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Variety (1983)
de Betty Gordon
publié le mercredi 1er juin 2022

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 1984

Sorties les mercredis 27 février 1985 et 1er juin 2022


 


Variety, le premier long métrage de fiction de Betty Gordon, sorti en 1983 aux États-Unis, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 1984 à Cannes, avait connu une brève sortie en février 1985 en France. Le film est cette semaine repris sur nos écrans.
Nous le découvrons à l’occasion d’une exposition consacrée à Nan Goldin qui se tient jusqu’à la mi-août à la Maison européenne de la photographie. (1) Cette figure de l’art contemporain était en effet la photographe de plateau de ce film, où elle apparaît dans un rôle secondaire. Notons qu’une poétesse importante issue de la Beat Generation écrivit les dialogues, nulle autre que Kathy Acker.


 


 

Le sujet est le suivant : Christine (Sandy McLeod), vingt ans et des poussières, journaliste et écrivaine ne pouvant vivre de sa plume, cherche désespérément un gagne-pain. Le personnage qu’incarne Nan Goldin lui propose un poste de caissière dans un cinéma porno du quartier de Times Square. Après une très belle scène de prologue à la piscine où notre héroïne plonge résolument et métaphoriquement dans le grand bain, l’affaire est vite conclue.


 


 

La salle de ciné s’appelle le Variety, du nom d’un ancien vaudeville. La jeune femme prend ses fonctions et s’implique le plus sérieusement du monde dans cette nouvelle activité. Elle découvre, confinée dans sa minuscule cabine de type forain aux parois en plexiglas, en même que nous, les clients amateurs de ce genre cinématographique dont c’était alors l’âge d’or.


 


 

Les clients, il va de soi, représentent les spectateurs en général, et nous en particulier.
On ne voit jamais leur visage, ni même leur silhouette. Les voyeurs ne sont pas vus. Christine, quant à elle, brille de tous ses feux. Elle les appâte, elle les attire, elle les racole, à l’abri de son exiguë guérite, sous la protection d’un aboyeur sud-américain chargé de rabattre le chaland. Sa photogénie est mise en valeur par différents cadres, que ce soit celui d’une fenêtre, d’une porte, de l’écran de la salle. Sa beauté lui procure un ascendant sur les spectateurs, d’autant qu’elle détient leur précieux laisser-passer pour le plaisir. Peu à peu, elle pénètre dans leur antre, et nous avec. Monte alors en elle une attirance pour cette sexualité transgressive.


 


 

Elle se focalise sur le propriétaire du cinéma qui lui propose un rendez-vous loin de son lieu de travail. Entretemps, elle apprend par un ami journaliste le lien de son patron avec le milieu, la pornographie étant à l’époque source de revenus pas toujours déclarés au fisc. Curieusement, au lieu de fuir cet individu ou de démissionner, elle est fascinée par lui et l’univers qu’il représente. Elle commence à le suivre selon le schéma inversé de celui décrit par Alfred Hitchcock dans Vertigo (1958). Le voyeurisme est en quelque sorte détourné par le féminisme. N’oublions pas que Variety est aussi et surtout un film de femme. Bette Gordon résume ainsi son propos : "La pornographie substitue le regard au toucher et maintient le désir comme une promesse éternelle mais qui ne trouve jamais satisfaction".

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. On peut voir des œuvres de Nan Goldin à la MEP, dans une exposition collective : Love Songs. Photographies de l’intime (30 mars-21 août 2022).
Par ailleurs, une exposition des photographies de Nan Goldin prises en 1982 durant le tournage de Variety, inaugure le 2 juin 2022, en sa présence, la galerie-boutique du Paris Cinéma Club, rue Mazarine à Paris.


Variety. Réal : Bette Gordon ; sc : Kathy Acker, Jerry Delamater & Peter Koper d’après un histoire originale de Bette Gordon ; dial : Nancy Reilly ; ph : Tom DiCillo & John Foster ; mont : Ila von Hasperg ; mu : John Lurie. Int : Sandy McLeod, Will Patton, Richard M. Davidson, Luis Guzmán, Nan Goldin, Mark Boone Junior, Cookie Mueller (USA, 1983, 100 mn).



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