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To Kill The Beast (2021)
de Agustina San Martín
publié le mercredi 13 juillet 2022

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 13 juillet 2022


 


À la frontière entre l’Argentine et le Brésil, une jeune femme, Emilia, arrive dans un village pour retrouver son frère disparu tandis que, coïncidence, une étrange bête est apparue dans les environs et rôde dans la forêt la nuit. En partant de cette simple histoire, Agustina San Martin se sert du parcours relativement linéaire de son personnage principal comme d’un prétexte pour créer une atmosphère surnaturelle teintée de sensualité, où des êtres humains à l’éthos étrangement animal côtoient des animaux aux attitudes familièrement humaines.


 

Les uns comme les autres se déplacent dans un décor envahi par la forêt, emplie des somptueuses variations lumineuses si typiques de la région, le tout venant prendre place au sein de multiples plans fixes, ayant pour effet de fragmenter l’espace lui conférant un aspect dédalique. Ainsi créé, ce dédale est utile à symboliser la perte de repère psychologique et sensorielle d’Emilia qui, petit à petit, se fait contaminer par les émanations mystiques de l’endroit. Cette désorientation et cette contamination sont ensuite amplifiées et, parachevées par le travail de la riche bande sonore du film, dont la multitude de sons d’ambiances, combinée à la musique extradiégétique, lui donne un caractère fantasmatique, l’ensemble tendant à donner au parcours de l’héroïne une allure de séance d’hypnose acoustique. Sachant que cette hypnose, ainsi que l’esthétisme employé, servent de concert à mettre en scène une série de métaphores scénaristiques utiles à aborder obliquement divers sujets sensibles pour nos sociétés contemporaines.


 

Parmi ces sujets, on trouve notamment le lesbianisme, par le biais d’Emilia qui est fortement attirée par une femme énigmatique évoquant une panthère, la sororité avec un personnage secondaire à l’allure de sorcière qui aide notre héroïne, la peur des migrants au travers du rejet des villageois de la bête, et, enfin, l’interrogation de la notion de frontière, qu’elle soit matérielle ou immatérielle.


 

Ce foisonnement métaphorique est toutefois, comme en effet miroir de la belle épure stylistique, le principal point faible de l’œuvre. Car en brassant tant de sujets, la réalisatrice tend à s’éparpiller et à diluer son message dans les méandres d’un récit qui en devient un peu trop cryptique.
Mais ce défaut est compensé par les qualités de jeu et la beauté des trois actrices mises en scène. Emilia, la sorcière et la femme panthère parviennent à émouvoir et surprendre par leur sensualité au travers des attitudes qu’elles affichent. Ce qui permet d’ailleurs de relier ce film à certains films de Jacques Tourneur, tel La Féline, (1) tandis que le rapport au mysticisme tend à évoquer les œuvres de Apichatpong Weerasethakul.


 

Ainsi, même si l’heure vingt de To Kill The Beast se fait parfois un peu longue, elle demeure une œuvre maîtrisée. Et si l’on n’en ressort pas extatique, au moins a-t-on la satisfaction d’avoir été transporté dans un ailleurs, tout en ayant vu une première œuvre bien faite et qui laisse présager une jolie carrière à sa réalisatrice.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

1. La Féline de Jacques Tourneur (1942).


To Kill The Beast (Matar a la bestia). Réal, sc : Agustina San Martín ; ph : Constanza Sandoval ; mont : Hernán Fernández & Ana Godoy. Int : Ana Brun, Sabrina Grinschpun, Julieth Micolta, João Miguel, Tamara Rocca (Argentine, 2021, 89 mn).



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