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Un été comme ça (2022)
de Denis Côté
publié le mercredi 27 juillet 2022

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Berlinale 2022

Sortie le mercredi 27 juillet 2022


 


Un été, Geisha, Léonie et Eugénie, trois femmes sexuellement perturbées, s’enferment dans une propriété de campagne avec la remplaçante inexpérimentée de leur thérapeute et un travailleur social en charge de l’assister. Le but de l’opération est de les aider à mieux gérer leurs pulsions.


 

Un été comme ça est ainsi structuré autour du point de vue de ces trois femmes, de leur thérapie, de leur corps frustré par l’abstinence, de leur tentative de corrompre leurs soignants ou de faire le mur pour aller épancher leur soif d’hommes. La tension générale qui en découle est habilement accentuée par l’érotique moiteur de la saison estivale dans laquelle se déroule l’intrigue, et qui a pour effet d’accroître la frustration des patientes.


 

Cet aspect voluptueux de l’atmosphère est à son tour intelligemment renforcé par l’utilisation de la pellicule, dont la chaude granularité confère à l’image un aspect à la fois sensuel et rugueux. Cette plasticité charnelle de l’esthétique est enfin utile à générer un fort contraste avec les propos des patientes qui, froidement, de façon détachée et avec une précision parfois photographique, relatent leurs diverses histoires sexuelles sordides. L’ensemble parachève l’immersion du public dans un univers radical, pour pleinement lui faire ressentir la violence psychologique que subissent nos trois héroïnes.


 

Scénaristiquement, la principale subtilité du film consiste en ce qu’aucune des trois patientes ne se considère véritablement comme malade ou victime, malgré les horreurs, parfois incestueuses, que certaines ont subies. Malgré tout, et c’est peut-être l’aspect le plus subversif du film, Geisha, Léonie et Eugénie continuent, si ce n’est d’aimer, en tout cas de désirer les hommes. Qui plus est, l’état de solitude découlant de leur addiction génère en lui-même une empathie attirant la sympathie du spectateur pour chacune d’elles, de la plus candide à la plus inquiétante.


 

Toutefois, cette subtilité trouve sa limite dans la radicalité esthétique employée par le réalisateur pour narrer son histoire. Car en immergeant son public comme il le fait, dès son ouverture, dans un milieu tendu et polarisé à l’extrême, il en vient à atténuer la sensation de progression de son récit, qui donne alors parfois l’impression de traîner en longueur.
Cet aspect flottant est renforcé par la caractérisation des trois personnages secondaires que sont la psychothérapeute, sa remplaçante et le travailleur social qui, dès l’ouverture, sont montrés méfiants et inquiets face à leurs patientes, et donnent ainsi l’impression de ne jamais vraiment évoluer au cours du récit.


 

La tension permanente mise en place par Denis Côté a enfin pour conséquence un refus de l’humour comme de l’ironie, ce qui tend à conférer au film une sorte d’esprit de sérieux un peu maladroit, car allant justement à l’encontre de la mentalité irrévérencieuse qui émane de ses trois beaux personnages principaux.
C’est une erreur dans laquelle n’était justement pas tombé Lars von Trier avec son Nymphomaniac (2013). Son humour grinçant (et parfois, il faut le reconnaître, de mauvais goût) lui permettait de prendre de la distance avec son sujet, tout en soulignant l’évolution vers la déchéance de son personnage principal, et de générer, avec plus de simplicité, le malaise chez son spectateur.
Mais, malgré ses défauts, Un été comme ça conserve de sérieux avantages, à commencer par les trois formidables actrices que sont Aude Mathieu, Larissa Corriveau et Laure Giappiconi, qui se donnent corps et âmes à leur rôle. Ainsi, le film ne laissera jamais indifférent celui comme celle qui aura le désir, ou le courage, de se laisser tenter par l’aventure.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


Un été comme ça. Réal, sc : Denis Côté ; ph : François Messier-Rheault ; mont : Dounia Sichov. Int : Larissa Corriveau, Laure Giappiconi, Samir Guesmi, Aude Mathieu, Anne Ratte-Polle (Canada, 2022, 137 mn).



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