par Gérard Camy
Jeune Cinéma n° 360, été 2014
Sélection officielle du festival de Cannes 2014
Sélection aux Oscars 2015 pour l’Argentine
Sortie le mercredi 14 janvier 2015
Ce film à sketches, produit par Pedro Almodovar, s’avère bien plus qu’une satire de la seule société argentine.
L’inégalité, l’injustice et l’exigence auxquelles nous expose le monde d’aujourd’hui provoquent du stress et des dépressions chez beaucoup de gens.
Certains craquent…
Vulnérables face à une réalité qui soudain change et devient imprévisible, les héros du film franchissent l’étroite frontière qui sépare la civilisation de la barbarie.
Une trahison amoureuse, le retour d’un passé refoulé, la violence d’un détail quotidien et récurrent sont autant de prétextes qui les entraînent dans un vertige où ils perdent pied, et éprouvent cette brutale montée d’adrénaline qui procure finalement un indéniable plaisir, celui de "péter les plombs", de laisser une violence si longtemps contenue, exploser sans plus se préoccuper de la bienséance…
Entre émissions de télévison décapantes et comédies policières à succès, très noires et caustiques (El fondo del mar en 2003 et Tiempo de valientes en 2005), Damian Szifron s’est construit une solide réputation de cinéaste iconoclaste.
Avec ce nouveau film, hommage à la grande tradition du film italien à sketches, il impose son humour ravageur et les basculements successifs vers la folie, l’inconscience, la violence qu’il met en scène ont une liberté de ton et une impertinence délectables.
Après un prologue irrésistible dans un avion, vengeance ultime d’un certain Esposito, les cinq autres récits, déclinés sur le même rythme tourbillonnant, décrivent la rage homicide qui peut saisir deux automobilistes en réaction à un simple geste déplacé, la vengeance d’un homme ordinaire opprimé par l’administration, un règlement de (vieux) comptes dans un relais routier, la tentative d’une riche famille d’épargner la prison au fils chauffard, au prix de la liberté d’un domestique et enfin, last but not least, une noce bourgeoise qui dégénère en un combat hallucinant.
Qu’ils soient père de famille attentif, trentenaire arrogant, jeunes mariés amoureux ou bourgeois comblé, ces nouveaux sauvages cèdent systématiquement à leurs pulsions, car comme le dit le réalisateur : "Nous vivons dans une société qui corrompt les rapports entre les gens. Elle les écrase et les pousse parfois à commettre l’irréparable. Les différentes histoires de mon film sont inspirées de souvenirs personnels ou de choses qui sont arrivées à des personnes de mon entourage".
Gérard Camy
Jeune Cinéma n° 360, été 2014
Les Nouveaux Sauvages (Relatos salvajes). Réal, sc : Damian Szifron ; ph : Javier Julia ; mu : Gustavo Santaolalla ; mont : Pablo Barbieri Carrera & Damian Szifron. Int : Ricardo Darin, Oscar Martinez, Dario Grandinetti, Rita Cortese (Argentine-Espagne, 2014, 122 mn).