par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 363, décembre 2014
Sélection du festival de Locarno 2014
Sortie le mercredi 14 janvier 2015
Après son documentaire, Il y a toujours quelqu’un qui t’aime, Pocas Pascoal revient à ses souvenirs de l’Angola avec ce premier long métrage dédié à sa sœur, histoire autobiographique de deux sœurs réfugiées à Lisbonne au début des années 80, au moment où la guerre civile éclate dans l’ancienne colonie portugaise. Comme dans le film, la réalisatrice et sa sœur, originaires d’Angola, se sont retrouvées au Portugal, seules dans une banlieue ouvrière de Lisbonne, leur père tué et leur mère ne pouvant sortir du territoire africain.
Pocas Pascoal, après avoir suivi des cours au Conservatoire du cinéma français, se consacre à la photographie et aux courts métrages documentaires.
Le chef opérateur Octavio Espirito Santo s’est employé à réaliser une belle image afin que le film, même dans ses moments de désespoir, recrée le climax si particulier du Portugal.
Il en va de même pour la musique, peu présente, mais la seule chanson composée par Lulendo complète le tableau, tout comme le grand travail autour du son pris en direct à Lisbonne par Marc Pernet et retravaillé en post-production.
Film attachant et solaire sur un sujet difficile, Alda et Maria parvient à nous émouvoir, sans pathos, ni misérabilisme. Pourtant Alda, l’aînée, n’est pas comédienne et Maria est une actrice de théâtre. Elles ont été récompensées par un prix d’interprétation au Festival de Carthage.
Malgré quelques maladresses, comme parfois dans un premier film de fiction, Pocas Pascoal parvient à créer une ambiance, à nous faire ressentir à la fois le désarroi des expatriés et le petit monde de la diaspora, dont certains membres n’hésitent pas à exploiter leurs concitoyens, telle la couturière angolaise qui, au départ, semblait vouloir protéger les deux sœurs.
La réalisatrice en témoignant sur sa propre histoire familiale a donné naissance à un film très tendre, dans lequel les épisodes difficiles sont humanisés.
Comme s’il s’agissait pour Alda et Maria d’un apprentissage, à la fois douloureux et heureux, du monde mais aussi de l’amour et de ses déboires.
Le film se penche de manière sensible et intelligente sur les contrecoups de la colonisation, sans haine ni revendication.
Voici deux sœurs en prise avec le monde et qui nous donnent une leçon de savoir-vivre, au sens psychologique et humaniste.
Si leur destin les sépare à la fin du film, puisque l’aînée vivra son rêve de partir en France, alors que la cadette retournera en Angola, nous sommes certains d’en retrouver trace dans le prochain long métrage de Pocas Pascoal, qui racontera une histoire d’amour entre un soldat sud-africain et une Angolaise.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 363, décembre 2014
Alda et Maria (Por aqui tudo Bem). Réal, sc : Pocas Pascoal ; ph : Octavio Espirito Santo ; cost : Rute Carreia. Int : Cheila Lima, Ciomara Morais (Portugal, 2012, 94 mn).