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Wolkenstein, Julie (livre)
Les Vacances (2017)
publié le vendredi 12 août 2022

par René Prédal
Jeune Cinéma n°385-386, février 2018

Julie Wolkenstein, Les Vacances, Paris, P.O.L., 2017.


 


Deux chercheurs se partagent, aux archives de l’IMEC (Institut Mémoire de l’édition contemporaine, abbaye d’Ardenne) le fonds RHM 79,5 concernant Les Petites Filles modèles, premier long métrage, inachevé et perdu, tourné en 1952 dans un château de l’Eure par Éric Rohmer.
Le jeune Paul prépare une thèse sur les films introuvables. Ayant déjà écrit les chapitres consacrés au Pré de Béjine de S.M. Eisenstein (1937) et à The Day the Clown Cried de Jerry Lewis (1972), il travaille à présent sur l’adaptation du roman de la comtesse de Ségur par Éric Rohmer.
Pour sa part, Sophie, venant d’atteindre l’âge de la retraite, professeur à l’université de Caen, spécialiste mondiale de la comtesse de Ségur, prépare une communication à un prochain colloque international, à Berkeley, sur ce film que personne n’a vu.

Quant à Les Vacances, titre du huitième roman de Julie Wolkenstein chez P.O.L., ce fut celui d’un ouvrage de la comtesse de Ségur, dont les petits héros s’appellent Sophie et Paul. Publié en 1859, il forme une trilogie avec Les Malheurs de Sophie et Les Petites Filles modèles, parus en 1858.

L’action du livre d’aujourd’hui se passe en 2016, l’année de sortie au cinéma des Malheurs de Sophie, adaptation de Christophe Honoré qu’il mélange aux Petites Filles modèles ) puisque Paul et Sophie iront voir le film au Star d’Avranches.

Le roman de Julie Wolkenstein paraît en 2017 quelques mois avant la mort de son éditeur, Paul Otchakovsky-Laurens, le 2 janvier 2018, dont la cinéphilie active est bien connue. Il a fait ses débuts de critique à Jeune Cinéma dans les années 60, puis a édité un temps Positif et La Lettre du cinéma ainsi que Trafic les vingt dernières années. Il a réalisé aussi deux films autoportraits en 2009 et 2017 et présidé la Commission d’avance sur recettes de 2011 à 2013.

C’est dire combien ces Vacances baignent dans un environnement cinématographique propre à nous séduire. Personnellement, nous y ajouterons notre décennie à l’université de Caen (et donc à l’IMEC), indissociables du train Paris-Caen, du temps gris systématique mais souvent ponctué de splendides couchers de soleil de quelques minutes et des bâtiments mal chauffés. Nous n’avons pas connu la valse des chaussettes toujours trempées et séchant sur les radiateurs, mais cela fait partie d’un flou atmosphérique de la région décrite avec un humour qui n’est pas étranger aux romans de la Comtesse, aux œuvres normandes de Éric Rohmer et aux relations de Paul et Sophie à l’IMEC.

Ce contexte porteur innerve en effet habilement cette drôle de rencontre. Il ne connaît rien à la comtesse de Ségur ni elle au cinéma, mais leur road movie sur les lieux du tournage va les faire plonger dans leurs enfances respectives, jusqu’à une découverte finale fort romanesque. Selon les chapitres, les deux personnages sont alternativement narrateurs de leur aventure et si certains rebondissements de leur enquête (le producteur dahomeyen du film, une stripteaseuse improbable) embourbent parfois la vieille Twingo déglinguée, la romancière approche très finement l‘esprit des films de Éric Rohmer pour décrire certains aspects de l’existence de Sophie, et la curieuse situation matrimoniale de Paul. S’achevant sur la plage de Jullouville où fut tournée Pauline à la plage (1983), et un dernier retour à Maurice Scherer en 1952, le roman scelle ainsi in fine l’imaginaire et la réalité historique de tout ce qui est raconté des Petites Filles modèles de Éric Rohmer. Montage et mixage sont excellents.

René Prédal
Jeune Cinéma n°385-386, février 2018


Julie Wolkenstein, Les Vacances, Paris, P.O.L., 2017, 368 p.



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