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CinémAction n°166 (2018)
Chroniques de la naissance du cinéma algérien
publié le dimanche 14 août 2022

par René Prédal
Jeune Cinéma n°390, septembre 2018

Sébastien Layerie & Monique Martineau-Hennebelle, éds., "Chroniques de la naissance du cinéma algérien. Guy Hennebelle, un critique engagé", CinémAction n° 166, été 2018, Athis Val, éd. Charles Corlet.


 


Pour les cinéphiles d’aujourd’hui, Guy Hennebelle et CinémAction ne font qu’un, entre 1978 (création de la revue) jusqu’en 2003 (mort de son fondateur et directeur). Mais avant ce quart de siècle d’une collection désormais quadragénaire, Guy Hennebelle avait vécu une première aventure exaltante en tant que journaliste et critique dans le quotidien algérien El Moudjahid où il tint une chronique de cinéma sous le nom de plume de Halim Chergui, de 1965 à 1968.

C’est cette période déterminante que ce fort volume fait revivre, dirigé par Sébastien Layerle avec Monique Martineau-Hennebelle. Le spécialiste du cinéma militant et de l’audiovisuel d’intervention sociale assure le formidable travail d’édition savante d’une centaine de textes, tandis que l’épouse collaboratrice, étroitement associée au double itinéraire personnel et professionnel du critique engagé, raconte ce destin (qui est aussi le sien) à partir de la sphère privée.

Ainsi, le portrait est complet, humain et scientifique, car ces années sont non seulement fondamentales pour sa carrière, mais particulièrement brûlantes. Après une très dure guerre de libération, l’Algérie a accédé à l’indépendance par le référendum de 1962. Cinq mois après, Guy Hennebelle vient à Alger en tant que cadre des institutions culturelles catholiques (option cinéma) toujours en place, puis, après un court passage en métropole à la FLECC, il y retourne, dès l’été 1964. À ce moment, Monique Martineau, toute nouvelle agrégée de lettres classiques, y arrive, elle aussi à sa demande. Ils se marieront deux ans après. Les lecteurs de Jeune Cinéma feront forcément le rapprochement avec le couple Jean Delmas / Ginette Gervais, et ils n’auront pas tort.

Passionné par l’histoire de la critique (1), on voit dans cet ouvrage une contribution importante à ce domaine peu exploré des études cinématographiques. Tout y est, le corpus, le vécu et le contexte, permettant une réflexion pertinente sur la nature et la fonction de la critique dans une situation postcoloniale d’accompagnement de l’émergence d’un nouveau cinéma. Car l’Algérie est au cœur de ces écrits concernant la place du cinéma qui passe (ou non) dans les salles du pays et, plus encore, la naissance d’un cinéma national.

En fait, Guy Hennebelle ne semble guère avoir beaucoup pratiqué alors la critique de film, à savoir son analyse esthétique et thématique. Ou alors est-ce parce que les textes de ce type n’ont pas été retenus pour privilégier les chroniques envisageant plutôt en général le cinéma de l’époque ou la programmation de la Cinémathèque d’Alger et des principaux ciné-clubs ?
Surtout, il instaure un débat permanent avec ses lecteurs, argumentant en réponse à leurs lettres, suscitant leurs réactions par une démarche pédagogique menée dans une sorte de forum permanent autour de questions fondamentales : quel genre de cinéma pour quel public, dans quels pays, dans quel but et à quelle époque, sans jamais oublier les dimensions artistiques, expressives et de spectacle, à la base des mouvements d’éducation populaire nés en France à la fin des années 40.

Dans ces années 60, Guy Hennebelle croit également au cinéma et à l’Algérie. Cette articulation constitue l’originalité de ses rubriques, comme celle entre le journalisme (sa formation) et la cinéphilie (ses goûts). Il forge là une identité forte qui imprègnera toute son œuvre d’auteur comme, ensuite, de directeur de collections, s’impliquant toujours en priorité idéologiquement dans ses entreprises menées sur divers fronts. Comme le suggère habilement le long titre, "desplechien" en diable (ce qui nous enchante), la naissance n’est pas seulement celle du cinéma algérien, mais aussi d’un critique engagé.
René Prédal
Jeune Cinéma n°390, septembre 2018

1. René Prédal, La Critique de cinéma, Paris, éd. Nathan, collection 128, 2004.

* La revue CinémAction, fondée en 1978 par Guy Hennebelle & Monique Martineau, a cessé de paraître en 2019, avec le numéro 173. La collection est en vente en ligne.


Sébastien Layerie & Monique Martineau-Hennebelle, éds., "Chroniques de la naissance du cinéma algérien. Guy Hennebelle, un critique engagé", CinémAction n° 166, été 2018, Athis Val, éd. Charles Corlet, 549 p.



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