Second film du réalisateur danois Thomas Daneskov, après The Elite en 2015, Wild Men est une comédie grinçante sur la crise du mâle occidental.

On découvre Martin (1), quadragénaire danois et grand type costaud, ne supportant plus le manque de sens à sa vie et qui décide, sur un coup de tête, en se rendant à un séminaire professionnel sur "la cohésion de l’équipe" de tout plaquer : boulot, confort, une famille qu’il aime pourtant follement, pour partir vivre seul dans la nature norvégienne et renouer avec le mode de vie de ses ancêtres, les Vikings. Comme il ne sait pas chasser et qu’il a faim, il enfreint les règles en "braquant" (à l’arc) la supérette d’une station-essence.

Sur sa route, il croise le trafiquant Musa (2), fugitif blessé poursuivi par ses complices et la police, qui va devenir son compagnon d’infortune. Ils croiseront les initiateurs d’une communauté viking de pacotille, où l’argent et le business sont les valeurs cardinales. Ce voyage, que les deux hommes vont faire aussi bien dans leur tête que dans leur traversée commune, ne manquera pas de péripéties.

Le troisième homme émouvant de l’histoire est le policier Oyvind (3) lancé à leurs trousses. C’est un vieil homme fatigué qui ne se remet pas de la disparition de son épouse. La situation tourne mal.

Si Wild Men débute un peu comme Chute Libre de Joel Schumacher (1992), il devient une comédie noire distillant un humour corrosif suscitant autant l’effroi que le rire, proche de l’univers des frères Coen dans Fargo (1995).
Mais, au-delà des références, Wild Men affirme sa propre tonalité cruelle "à la danoise" et opère sans cesse dans le déphasage insolent, passant allègrement d’un genre à l’autre : fable sociale, film noir, polar, mélodrame, cinéma d’aventures, survival, cartoon. Le réalisateur joue en permanence sur les décalages et les degrés d’oppositions : nature / technologies, Danemark / Norvège, désir de liberté / transgressions… Ainsi, les paysages naturels somptueux et sauvages de la Norvège, leur apparence immémoriale, confrontés à la réalité d’un monde moderne qui n’a plus que des ersatz mercantiles à offrir.

Et si rien ne va plus pour Martin, l’homme moderne redevenu chasseur-cueilleur, il refuse de vivre en esclave, honnit les règles d’une société devenue inhumaine, et il aidera Musa le hors la loi à passer vers le meilleur.
Comment s’entraider quand la vie devient difficile ? Car personne ne peut traverser cette vie tout seul. Un moment des plus réjouissants au cinéma actuellement.

Anita Linskorg
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Rasmus Bjerg est connu pour son rôle de John Mogensen dans le long métrage The Way to Maydalay (Så længe jeg lever) de Ole Bornedal (2018).

2. Zaki Youssef acteur est également compositeur, musicien et dramaturge.

3. Bjørn Sundquist, l’émouvant policier Oyvind, né en 1948 et d’origine sami, est l’un des acteurs norvégiens les plus prestigieux (138 films depuis 1977). Son registre professionnel va de la comédie au crime en passant par le drame jusqu’aux films de genre. Il est célèbre notamment parce qu’il a tourné de très nombreuses séries télévisuelles à succès.

Wild Men (Vildmænd). Réal : Thomas Daneskov ; sc : T.D. & Morten Pape ; ph : Jonatan Rolf Mose ; mont : Julius Krebs Damsbo ; mu : Ola Fløttum ; cost : Vibe Knoblauch Hededam. Int : Rasmus Bjerg, Zaki Youssef, Bjørn Sundquist, Sofie Gråbøl, Marco Ilsø, Håkon T. Nielsen, Tommy Karlsen, Rune Temte, Kathrine Thorborg Johansen (Danemark, 2021, 102 minutes).