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Des feux dans la nuit (2020)
de Dominique Lienhard
publié le mercredi 3 août 2022

par Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 3 août 2022


 


Après un premier long métrage, Müetter, en 2006, le cinéaste alsacien Dominique Lienhard s’inspire d’une nouvelle de Akira Yoshimura intitulée Naufrages pour adapter son nouveau film Des feux dans la nuit. Si le réalisateur conserve la trame du récit initial, il la transpose dans une petite île d’Europe au 16e siècle.


 

Le film trace le parcours initiatique d’Alan, un adolescent âgé de 15 ans, dont le père est parti travailler pour deux ans loin des siens en lui confiant la survie de la famille composée de sa mère, son frère et sa sœur. Il trime dur pour améliorer le quotidien de ses proches, rudoyé par sa mère, il souffre de l’absence du père. Seul dans sa barque, la pêche à la main et au filet nécessite un savoir-faire qu’il apprend fort laborieusement. L’argent vient à manquer et les réserves alimentaires s’amenuisent.


 


 

À l’automne, le chef du village lui confie une astreinte supplémentaire dont Alan est fier, celle d’alimenter la nuit entière les feux sous de grands chaudrons emplis d’eau de mer et disposés sur la grève. Si au matin les femmes viennent récupérer le sel, ce travail de surveillance du feu est en fait destinés à induire en erreur les équipages des bateaux pris dans les tempêtes et qui viennent s’échouer sur les récifs, offrant leurs précieuses cargaisons. La survie de ces habitants du bout du monde est depuis longtemps dépendante de ce stratagème, ainsi, ils alimentent leur espérance. Naufrageurs…


 

Alan va apprendre dans ce monde sans concessions, où la naissance d’un bébé est vécue comme une bouche de trop à nourrir. L’attente du drame est perpétuellement sous-jacente. Pas un jour sans malheur ou sans crainte du malheur dans cette communauté de misère où la force de l’homme se réduit à ses muscles , son endurance , sa dureté au mal. Il va lutter pour regagner l’amour d’une mère incapable de tendresse et recevoir l’admiration de son père.


 

Toute la mise en scène est une véritable épure. Le bruit des vagues rythme l’omniprésence des flots, métaphore du temps qui s’écoule lentement. Chaque plan restitue cet immuable entre l’horizontalité de la mer et verticalité de la montagne (le film a été tourné en Corse). La beauté de la photographie quasi monochrome est ici en tout point remarquable.


 


 

Sans oublier la justesse de l’interprétation des acteurs : Igor Van Dessel en Alan confronté au manque, au deuil, à l’amour naissant, se révèle bouleversant et troublant, Ana Girardot est une Mia belle, forte et cruelle. L’actrice dit avoir eu très envie d’exprimer ce bouillonnement intérieur.


 

Ce récit d’un temps de souffrances, où chaque geste du quotidien, de la préparation des repas aux labeurs les plus harassants, témoigne avec authenticité de l’âpreté de la vie.
Ce conte ambitieux, transcendé par la beauté des paysages, résonne immanquablement avec le jaillissement de nouvelles tempêtes où il y a lieu de s’interroger sur la volatilité d’existences aujourd’hui endommagées par le consumérisme et les possessions.

Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe


Des feux dans la nuit. Réal, sc : Dominique Lienhard d’après la nouvelle de Akira Yoshimura, Naufrages ; ph : Pascale Marin ; mont : Tuong- Vi Nguyen Long ; mu : Béatrice Thiriet & Sébastien Damiani ; déc : Hervé Redoules ; cost : Alexia Crisp-Jones. Int : Igor Van Dessel, Ana Girardot, Jérémie Elkaïm, Tom Rivoire, Louna Espinosa, Virgil Amadeï, Manon Chammah, Ophélie Bau (France-Belgique, 2022, 94 mn).



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