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Blondine (1943)
de Henri Mahé
publié le vendredi 8 juillet 2016

par Patrice Allain
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

Sortie le mercredi 16 mai 1945


 

Pour saluer son cinquantenaire, Jeune Cinéma a posé une question à ses collaborateurs : Quel film des cent dernières années aimeriez-vous sortir de l’ombre ?
Ce film fait partie des hidden gem (re)découverts à cette occasion.


En 1943, le peintre et décorateur Henri Mahé tourne son unique réalisation, Blondine.
Il y utilise son invention, le Simplifilm, une boîte à mirages qui permet de remplacer les décors construits par des photographies ou des dessins, dont certaines parties ont été découpées avant d’être glissées entre l’objectif et les personnages : "Dans peu de temps, les metteurs en scène se promèneront avec leurs décors dans leur poche-portefeuille. Ils pourront même choisir parmi les cartes postales", s’explique-t-il, faisant ici figure de visionnaire.


 

Le film emprunte au registre du conte : un prince épouse Blondine, fille d’un pauvre pêcheur que sa sœur Brune jalouse. Saupoudrez la légende avec une poudre de perlinpinpin, ajoutez un nain qui connaîtra un éternel retour sur les écrans du maléfice - Piéral -, glissez le chromo d’un vieux château emprunté à Ann Radcliffe, et voilà de quoi éveiller des appétits d’ogre. À cela viendront s’insinuer quelques images sadico-suggestives, comme la mise en croix d’un Georges Marchal bien juvénile.


 

Derrière ces "féeries truculentes", Phillipe d’Hugues a cru déceler l’ombre du compagnon de brinqueballe de Henri Mahé, Louis-Ferdinand Céline. Blondine, il est vrai, use d’ingrédients fort similaires à ceux mis en œuvre dans "La Naissance d’une fée", l’un des ballets de Bagatelles pour un massacre. Il est impossible, ainsi, de ne pas rapprocher le nom de la sorcière Karalik qui ordonne son magistère dans Bagatelles de celui du domaine de Karikal où règne l’ogre châtelain.


 

En revanche, les génériques, décidément amnésiques, ignorent toujours que la veine gothique qui irrigue cet hapax filmique doit aussi son existence à l’ancien surréaliste Jacques Baron, assistant de Henri Mahé et auteur des lyrics de Blondine.


 

Comme bon nombre de ses compagnons d’antan, il a connu cette passion folle pour cet art naissant, cet "âge du cinéma" où il a fantasmé de porter ses rêves à l’écran. Pourtant, un esprit chagrin pourrait souligner que son incursion sans lendemain dans ce milieu fut malheureuse et lui emprunter les paroles de la chanson du film pour conclure : "Ce n’était qu’un rêve d’amour. Ce n’est plus qu’un triste poème".

Patrice Allain
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014


Blondine. Réal : Henri Mahé, assisté de Jacques Baron ; sc : Paule Hutzler ; ph : René Colas ; mu : Marceau Van Hoorebecke. Int : Nicole Maurey, Georges Marchal, Michèle Philippe, Piéral, Guita Karen (France, 1943, 61 mn).



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