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Rendez-vous à Atlit (2014)
de Shirel Amitaï
publié le mercredi 21 janvier 2015

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°363 décembre 2014


 


Trois sœurs (Géraldine Nakache, Yael Abecassis et Judith Chemla) après la mort de leurs parents se retrouvent à Atlit, petit village proche de Tel-Aviv, pour y vendre leur maison.
Malgré leur décision bien réfléchie de vendre, le fait de revenir en ces lieux de l’enfance, de sentir à nouveau les parfums, d’évoquer les moments de bonheur, l’indécision renaît en chacune laissant place à des sursauts de colère, de tristesse et de rancunes.

Le film de Shirel Amitaï traverse, intimement mêlées, l’histoire de la famille et l’histoire du conflit Israël-Palestine, jusqu’au véritable choc émotionnel de l’assassinat de Rabin le 4 novembre 1995 qui bouleverse à nouveau le projet des trois sœurs. À noter la très belle séquence de suspension du temps dans la nuit muette, les gens quittant leur voiture silhouettes errantes et hagardes sur la terre d’Israël, la route qui mène à Tel-Aviv.
Shirel Amitaï évoque avec beaucoup de grâce le sentiment d’amour que l’on éprouve pour une maison, l’attachement profond pour une terre, ici celle d’Israël. Elle filme les arbres sous le vent, les broussailles poussiéreuses qui sentent le miel, la lumière sous les oliviers ; un sens inné de la famille, des rapports à la fois chaleureux, conflictuels, indéfectibles et cette douceur de vivre.
Elle dépeint et observe l’appropriation du lieu par les trois sœurs, chacune à sa manière y a inscrit ses marques, chacune à sa manière les déterre, les remet à jour et les illumine.

Un film nostalgique où les parents réapparaissent, non comme fantômes mais personnes réelles, le père (Pippo Delbono) répare et bricole tout ce qui se déglingue dans la maison dans la plus sage normalité, la mère (Arsinée Khanjian) conseille ses filles. Shirel Amitaï ne fait pas revenir les morts nimbés de la blancheur céleste chère à Raoul Ruiz ou de l’ombre des limbes d’Apichatpong Weerasethakul, mais avec humour et tendresse, comme des êtres vivants et saisissables au présent. Pour elle, les morts sont parmi les vivants, l’enfant arabe joue même aux échecs avec le père dans le salon. Avec une sensibilité et une maîtrise rares dans le jeu des actrices, leur gestuelle, leur expression et leur voix, l’émotion est à fleur de peau, l’affection déborde, car toujours affleure le sentiment tragique d’une destinée.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°363 décembre 2014

Atlit. Réal, sc : Shirel Amitaï ; mont : Frédéric Baillehaiche. Int : Yael Abécassis, Judith Chemla, Géraldine Nakache, Pippo Delbono, Arsinée Khanjian (France-Israël, 2014, 90 min).



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