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Cour des miracles (la) (2022)
de Carine May & Hakim Zouhani
publié le mercredi 28 septembre 2022

par Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle Cinéma de la plage au Festival de Cannes 2022

Sortie le mercredi 28 septembre 2022


 


Carine May, après des études de journalisme est devenue documentariste. Hakim Zouhani a exercé différents métiers techniques sur des tournages et a animé des ateliers vidéos. Ils sont tous deux d’Aubervilliers, et on les connaît depuis leur premier film co-réalisé en 2011, Rue des cités. (1) Ce n’était pas un coup de maître, mais un drôle d’essai, mi-fiction mi-documentaire, pas assez long, inabouti, mais, dans un beau noir et blanc, il avait un ton différent et se distinguait de tous les autres films de banlieue qui commençaient à déferler. Il était prometteur, on avait retenu les noms des deux réalisateurs. Et puis on les avait perdus de vue. Toujours ensemble, ils faisaient des courts métrages, qui circulaient dans des zones spécialisés. En 2018, on les avait retrouvés à Clermont-Ferrand, avec Master of the Classe (2017), avec une Mention spéciale du jury national.


 


 

Cette année, quand on a vu La Cour des miracles sur la plage à Cannes en avant-première mondiale, on était content de les retrouver. Et aussi de constater qu’ils creusaient leur sillon. Pas seulement la banlieue, celle d’Aubervilliers, en général, mais, là, la prolongation du court précédent : la question cruciale de l’école.


 

L’école élémentaire Jacques-Prévert, totalement composée d’élèves de familles immigrées, donc délaissée par son ministère, lutte pour sa survie. Dans le même temps, la gentrification du 9-3 s’accélère, et la voilà qui est menacée par la construction de la Résidence Harmonie qui aura sa propre école "France d’en haut".


 


 

La directrice Zahia, entourée d’une équipe pédagogique disparate, et menée par son souci de mixité sociale, est catastrophée devant un risque de disparition. Avec une jeune institutrice inspirée, elle va trouver une riposte appropriée : créer une école verte. Verdir les misères, c’est dans le vent, le vert, ça va avec tout désormais.


 

Le film n’est certes pas révolutionnaire. Cette "mixité sociale" qui obsède la directrice, elle est nécessaire, elle contourne les ghettos, mais elle ne change en rien les inégalités criantes. Pire, elle les révèle sans donner les clefs d’une prise de conscience et la possibilité de réaction. Si on caricature, l’objectif principal de la direction de l’école, ce serait qu’à la prochaine rentrée, si le plan marche, il y ait plus de nouvelles têtes blondes dans les classes et que tous les enfants soient copains.


 

Mais La Cour des miracles est pourtant une bonne surprise, c’est une comédie sociale, très sympathique, faite pour faire rire. Les hontes de l’école de la République sont "joliment décrites", sans pour autant être minimisées. Peut-être même qu’on va rire doublement (jaune), en voyant le film cet automne, après cette rentrée et les annonces gouvernementales au sujet des emplois d’enseignants au rabais formés en trois jours.


 

La question de la mixité sociale passera alors au second plan, derrière la terrible crise pour tous de l’Éducation nationale, "assumée", comme ils disent. Si le film se veut un feelgood, il a cette intelligence de ne pas avoir de happy ending : à leur rentrée à eux, à Auber, il n’y aura pas de renouveau, et le combat pour éviter le naufrage devra continuer .


 

Et puis, surtout, les acteurs sont formidables : Rachida Brakni, ça va de soi, elle a la carrure, Gilbert Melki qu’on ne présente plus, et aussi Anaïde Rozam qu’on découvre. Mention spécial et petit faible pour Sébastien Chassagne : Il a déjà une longue filmographie à son actif (2), mais il était aussi le prof vacataire inquiet à l’approche de sa première inspection dans Master of the Classe, témoignant ainsi d’une constance et d’une vérité de l’œuvre débutante du binôme Carine May / Hakim Zouhani.

Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Rue des cités a été sélectionné à ACID à Cannes en 2011. Il est sorti en salles en 2013. Il ne dure que 68 minutes.

2. On n’oublie pas La Lutte des classes de Michel Leclerc (2019) qui ne se passe pas à à Auber mais à Bagnolet.


La Cour des miracles. Réal, sc : Carine May & Hakim Zouhani ; ph : Antoine Monod ; mont : Nadège Kintzinger ; mu : Yuksek ; déc : Frédéric & Frédérique Lapierre. Int : Rachida Brakni, Gilbert Melki, Raphaël Quenard, Anaïde Rozam, Sébastien Chassagne, Yann Papin, Disiz, Mourad Boudaoud (France, 2022, 95 mn).



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