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Sans filtre (2022)
de Ruben Östlund
publié le mercredi 28 septembre 2022

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°416, été 2022

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2022

Sortie le mercredi 28 septembre 2002


 


Cinq ans après une première palme d’or avec The Square (1) Ruben Östlund entre cette année dans le club fermé des double palmés avec Triangle of Sadness et y retrouve Alf Sjöberg (en 1946 et 1951, c’était alors le Grand Prix), Francis Ford Coppola (en 1974 et 1979), Shohei Imamura (en 1983 et 1997), Emir Kusturica (en 1985 et 1995), Bille August (en 1988 et 1992), Jean-Pierre et Luc Dardenne (en 1999 et 2005), Ken Loach (en 2006 et 2016) et Michael Haneke (en 2009 et 2012).


 


 

Si avec The Square (2017), qui nous plongeait dans le milieu de l’art contemporain, Ruben Östlund s’inscrivait déjà dans une veine caustique et incisive, avec Triangle of Sadness, il n’hésite pas à utiliser l’outrance et la caricature pour nous offrir une impitoyable satire corrosive et cynique, à la fois hilarante et provoquante, du monde des ultra riches, des rapports de classes (les pauvres contre les riches, mais aussi les Blancs contre les Noirs, les hommes contre les femmes) dans des sociétés occidentales minées par le règne de l’apparence, et plus généralement du triomphe d’un néocapitalisme écœurant.


 

Issu d’une famille communiste, se considérant lui-même comme "socialiste", le cinéaste se révèle le cruel entomologiste de nos bassesses et de nos pires travers, jetant sur l’écran le monde tel qu’il le dégoûte. Le film - dont le titre anglais (traduit étrangement par Sans filtre pour l’exploitation française), fait référence au petit muscle en forme de triangle situé entre les sourcils qui laisse apparaitre les premiers signes de vieillesse - est divisé en trois parties, précédées d’un petit préambule sur une représentation du monde du mannequinat, avec ses excès dérisoires et ses discriminations indécentes.


 


 

On découvre ensuite les deux héros, Carl (Harris Dickinson) et Yaya (Charlbi Dean Kriek) couple de mannequins, influenceurs à succès, dont la relation amoureuse est un objet de business. Ils sont invités sur une croisière de luxe aux côtés des grands milliardaires de la planète, comme cet oligarque russe qui a fait fortune grâce au commerce d’engrais industriel, ou ce couple de "gentils" retraités, marchands d’armes. Quant au commandant du bateau (impayable Woody Harrelson), continuellement ivre, il défend des thèses marxistes dans des joutes désopilantes.


 

La croisière vire au cauchemar, le soir du dîner du commandant. "Le roulis lié à la tempête va réaliser la grande théorie libérale du ruissellement !" Malades, les passagers vomissent tripes et boyaux et se répandent dans tous les sens, tandis que l’écran tangue au rythme du bateau.


 


 

Une dernière partie montre quelques naufragés sur une île qui vont devoir rebattre les cartes du pouvoir au profit d’une domestique qui a la mainmise sur des sachets de bretzels…
Ruben Östlund est vraiment un sale gosse !

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°416, été 2022

1. "The Square", Jeune Cinéma n°381, été 2017.


Sans filtre (Triangle of Sadness). Réal, sc, mont : Ruben Östlund ; ph : Fredrik Wenzel ; mont : Mikel Cee Karlsson. Int : Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek, Woody Harrelson, Hanna Oldenburg, Carolina Gylling (Allemagne-Grande-Bretagne-France-Suède, 2022, 149 mn).



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