L’incongruité de la première scène de L’Innocent paraît devoir emporter le morceau : une jolie femme d’une soixantaine d’années, accompagnée de son fils, d’hommes et de femmes en uniforme, se retrouvent dans les locaux d’un établissement pénitentiaire, jusqu’à ce que l’on comprenne qu’il s’agit de célébrer les noces de la mère avec un détenu, la veille de sa sortie de prison.

D’emblée, on est heureux de retrouver Anouk Grinberg dans un rôle important, celui d’une femme qui désire à tout prix être amoureuse. Mais on doit déchanter lorsqu’il apparaît bien vite que le "jeune marié" - il s’agit de Roschdy Zem -, une fois libéré, va "rechuter" dans la délinquance.

Sans se départir d’une certaine légèreté de ton, le film donne alors lieu à une scène de braquage (à la française) qui a pour inconvénient de faire disparaître assez longuement le personnage de la mère, pourtant le catalyseur de l’intrigue. De toute évidence, le cinéaste Louis Garrel, qui interprète également le rôle du fils plongé dans un inconsolable veuvage, entend pratiquer le mélange des genres, les ruptures de ton.

Mais n’est pas Leo McCarey qui veut, ni même Douglas Sirk, l’auteur de All That Heaven Allows (1955) dont on retrouve un peu la situation : une femme d’âge mûr cherche à se remarier avec un jardinier plus jeune qu’elle, ce que ses enfants, plus conservateurs, réprouvent.

Inspiré de la propre vie de Louis Garrel, - sa mère, Brigitte Sy, avait épousé un détenu -, le film peine à trouver sa cohérence, ce qu’on serait tenté de mettre sur le compte de la persona, volontiers ténébreuse, de Louis Garrel acteur, qui échoue à orienter L’Innocent vers une fantaisie assumée.

Alors qu’elle sied merveilleusement à Noémie Merlant et, bien sûr, à Anouk Grinberg.

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°416, été 2022


L’Innocent. Réal : Louis Garrel ; sc, dial : L.G., Tanguy Viel & Naila Guiguet ; ph : Julien Poupard ; mu : Grégoire Hetzel. Int : Louis Garrel, Noémie Merlant, Anouk Grinberg, Roschdy Zem (France, 2022, 99 min).