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R.M.N. (2022)
de Cristian Mungiu
publié le mercredi 19 octobre 2022

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°417-418, octobre 2022

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2022

Sortie le mercredi 19 octobre 2022


 


Cristian Mungiu était en sélection officielle à Cannes cette année avec ce film, après la Palme d’or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le Prix du scénario pour Au-delà des collines, et le Prix de la mise en scène pour Bacalaureat. (1) R.M.N. est un drame dans un petit village de Transylvanie, inspiré d’un fait divers. Matthias, abandonnant son travail en Allemagne, revient en Roumanie pour s’occuper de son fils Rudi qui, brusquement, perd la parole. Au village, il revoit la mère de son fils, son père, Otto, qui vit seul, et sa petite amie Csilla, la patronne de l’usine.


 

Ici, tout à l’air paisible. Cependant Rudi reste muet, quelque chose de terrible vu dans la forêt l’a paralysé. Cette peur ne s’éteint pas et à chacun de ses déplacements pour l’école, sa mère l’accompagne. Son père, au contraire, tente de lui redonner courage et de le remettre seul sur le chemin.


 

Le sujet du film est la représentation de la peur, ce quelque chose d’indicible, d’irrationnel, d’inventé peut-être par l’enfant. Une peur abstraite, vision surnaturelle, apparition effrayante ou au contraire une peur très concrète, personnifiée, une peur de l’autre, de l’étranger, de l’inconnu qui vient.


 

Dès le début, règne une atmosphère de suspicion ; à peine arrivé au village, Matthias se fait traiter de gitan. La haine des Roumains et des Hongrois à l’égard des gitans est infinie. Mais c’est aussi la haine de l’étranger et de manière globale, celui qui vient d’une autre terre prendre le travail d’un villageois. Csilla embauche comme boulangers trois Sri-lankais réfugiés et la haine enfle et s’envenime dans toute la communauté, pourtant déjà inter-ethnique. Xénophobie, racisme, nationalisme, cristallisent toutes les frustrations, dépossessions et malheurs.


 

Le film tente de montrer la complexité des différences humaines et l’intégration pas toujours simple, même au sein d’un petit village. Une grande partie est consacrée à la prise de paroles des villageois face à "l’invasion" des étrangers dans le village et de manière sous-entendu dans l’Europe tout entière. Un plan séquence de 17 minutes décrit la colère et le sentiment d’injustice des Roumains, le débat houleux n’annonce rien de bon et rejoint dans la forme et la participation tout débat nationaliste.


 

Il s’agit d’un film sombre dans sa perspective historique comme dans la lumière du jour et de la nuit. Les vengeurs sous l’habit d’ours sont prêts à se battre, ainsi déguisés, ils appartiennent à l’espèce sauvegardée, celle d’un temps ancien, en métaphore de la tradition, de la sécurité et contre le changement et l’avenir. Peut-être sont-ils ainsi costumés pour garder l’anonymat, dissimuler leur identité dans le combat contre l’étranger.


 

Cristian Mungiu dresse avec force, un constat accablant de l’état des mentalités et dépeint la situation de tous les pays européens aujourd’hui, pris dans la contradiction de l’ouverture des frontières et les restrictions de flux migratoires.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°417-418, octobre 2022

1. 4 mois, 3 semaines, 2 jours (4 luni, 3 săptămâni și 2 zile, 2007), deuxième film de Cristian Mungiu ; Au-delà des collines (După dealuri, 2012) ; Bacalaureat (2016).


R.M.N. Réal, sc : Cristian Mungiu ; ph : Tudor Vladimir Panduru ; mont : Mircea Olteanu. Int : Marin Grigore, Judith State, Macrina Barladeanu, Orsolya Moldovan (Roumanie-France-Belgique, 2022, 125 mn).



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