Casa de las antiguidades, "la maison des antiquités" ou, en bon français, Memory House, est le premier long métrage de fiction de João Paulo Miranda Maria, cinéaste brésilien déjà remarqué pour trois de ses courts.
C’est le portrait - et donc aussi l’histoire -, d’un homme noir et âgé, appelé Cristovam. En quête de meilleures conditions de vie, le héros quitte l’État de Goias pour le sud du pays, bien plus riche, où une classe sociale d’origine allemande tient le haut du pavé. Quittant une petite laiterie récemment rachetée, Cristovam va travailler dans une grande entreprise ultra-moderne où les employés doivent porter une tenue de cosmonaute et utiliser des machines dernier cri. Convoqué par le directeur, il apprend que son salaire devra baisser en raison de la crise. Il ne proteste pas.

Rien, si ce n’est le côté futuriste de la boîte ne nous renseigne sur la date exacte où se déroule le récit. Il s’agit pour le réalisateur "d’un Brésil perdu dans le temps". Non localisé géographiquement non plus. Le film ne montre aucun des splendides paysages d’un Sul montagneux et verdoyant. Le bourg est tout sauf pittoresque. Un non-lieu, poussiéreux et arriéré. Quelques plans dans un bar font même songer à des scènes de western. On se trouve au pays des nantis, des colons d’Europe centrale débarqués dès le 19e siècle. Le protagoniste, victime désignée et résignée, se heurte systématiquement au racisme. Ses collègues l’ignorent. Les gosses du village lui cherchent noise. Les plus sales d’entre eux lui tirent dessus avec un fusil à grenaille. Son chien, son seul compagnon, est tué.

Cristovam, peu à peu, tente de s’imposer dans ce pays hostile qu’il considère aussi comme le sien. Il s’installe dans une bicoque abandonnée ; il fréquente la brasserie où les Brésiliens qui parlent entre eux en allemand poussent volontiers le Jodel. Il invite à sa table la jolie fille qui y exerce des fonctions d’hôtesse, et plus si affinités. Seul noir parmi les blancs, il ne répond pas aux provocations de ceux-ci. Son refuge est peuplé de vestiges du vieux temps. Ces antiquités, fétiches ou amulettes sacrées, lui donnent le courage d’affronter sa situation.

Il contemple, et le spectateur avec lui, les traces et les signes du passé : des photos, des objets, un instrument de musique qui tient du cor alpin, qu’on nomme berrante, par lequel il communique avec les animaux, des vaches en l’occurrence. L’état de solitude du protagoniste est dépeint sans pathos. C’est ce qui fait précisément la force de ce récit. Ce qu’il reste de vie au personnage est agrémenté de chamanisme indigène, de syncrétisme mêlant rituels africains et traditions chrétiennes - rappelées, s’il le fallait, par le nom ou prénom Cristovam. La spiritualité le préserve.

Le finale prend une allure fantastique, carnavalesque, cathartique, qui transforme le vieil homme en héros vengeur ou justicier. Il fait irruption à la cantine de l’entreprise, de noir vêtu, portant un spectaculaire masque de taureau, une pique à la main. Il incarne à sa manière le légendaire caboclo caboiero qui vient purifier le monde.
La critique sociale assez crue de João Miranda Maria est teintée d’étrangeté, d’onirisme et de réalisme magique, grâce à la photographie de Benjamin Echazaretta et à la prestation de Antonio Pitanga, un vétérans du Cine novo, comédien au visage fataliste et stoïque qui fait le plus en ne faisant presque rien.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

* En DVD chez Tamasa.

Memory House (Casa de las antiguidades). Réal : João Paulo Miranda Maria ; sc : J.P.M.M. & Felipe Sholl ; ph : Benjamín Echazarreta ; mont : Benjamin Mirguet ; mu : Nicolas Becker. Int : Antonio Pitanga, Ana Flavia Cavalcanti, Soren Hellerup, Aline Marta Maia (Brésil-France, 2020, 93 mn).