home > Films > Seule la joie (2021)
Seule la joie (2021)
de Henrika Kull
publié le mercredi 2 novembre 2022

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Berlinale 2022

Sortie le mercredi 2 novembre 2022


 


Après une thèse en sciences sociales, Henrika Kull étudie le cinéma à Berlin et passe rapidement à la réalisation. Son film de fin d’étude, Jibril, est sélectionné dans la section Paranoma de la Berlinale en 2018 et gagne plusieurs prix dont celui du meilleur film pour le Studio Hamburg Young Talent Award. Il sort en salles l’année suivante en Allemagne. Seule la joie, son deuxième long métrage, est produit par Flare Film en coproduction avec ZDF - Das kleine Fernsehspiel. (1) C’est une réalisatrice très prometteuse et ce film est vraiment une réussite.


 


 

Pourtant le sujet n’est pas facile, qui raconte la vie dans une maison close de Berlin, traitée d’une manière réaliste, presque comme un documentaire, avec des échappées vers la beauté et la poésie qui lui apportent une respiration. Il commence par un beau flashback qui permet de comprendre l’évolution du personnage principal, Sasha, interprété par une actrice lumineuse, Katharina Behrens.


 

Pour une fois, ce film n’est pas un réquisitoire contre le patriarcat ou la violence faite aux femmes, même si on peut lire en filigrane la tendance politique de la réalisatrice. Mais ce qu’elle nous décrit, hormis bien sûr la clientèle, c’est un monde de femmes, celles qui sont prostituées et qui surjouent la séduction ou la provocation. On sent bien, dans sa démarche, la prégnance de ses études de sciences sociales, car le film montre bien la condition de ces femmes. En 2010, un travail de recherche l’avait conduite dans une maison close, dans laquelle elle avait étudié comment celle-ci fonctionnait, comment s’y comportaient les femmes, entre elles et avec leurs clients.


 

En observant et en recréant méticuleusement ladite maison, Henrika Kull répond à une question obsédante : comment peut-on faire ce métier ? Eh bien, semble-t-elle nous dire, le plus simplement du monde, comme si la jeune fille entrée en maison avait choisi ce métier, qu’elle fait avec sérieux et assiduité comme n’importe quel autre, avec des rapports tarifés et sans y mettre ni pathos, ni sensiblerie.


 


 

D’ailleurs, les relations avec la tenancière sont tout sauf conflictuelles, même si on sent par dessous la direction et les directives venues des hommes - qu’on voit très peu. Bien sûr, Henrika Kull en tire une conclusion : "Au cours de mes recherches et pendant le tournage, j’ai eu de plus en plus l’impression qu’à travers leur métier, les travailleuses du sexe regagnaient du pouvoir sur leur corps. En l’utilisant comme marchandise, elles génèrent leur propre profit et peuvent ainsi s’émanciper de l’exploitation de leur corps par la société patriarcale. Dans cette société où l’oppression systémique et l’instrumentalisation du corps des femmes perdurent depuis des siècles, le travail du sexe représente quelque chose de subversif selon moi".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Son troisième long métrage, Central Station, est actuellement en phase de développement.


Seule la joie (Glück) aka Bliss. Réal, sc, mont : Henrika Kull ; ph : Carolina Steinvrecher ; mont : Anna-Lena Engelhardt ; mu : Dascha Dauenhauer. Int : Katharina Behrens, Adam Hoya, Nele Kayenberg, Jean-Luc Bubert (Allemagne, 2021, 90 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts