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Paraíso (2021)
de Sérgio Tréfaut
publié le mercredi 9 novembre 2022

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 9 novembre 2022


 


Dans un prologue en voix off, l’auteur, Sérgio Tréfaut, explique les raisons qui l’ont poussé à tourner ce documentaire si personnel. Franco-lusitanien d’ascendance, il a passé son enfance au Brésil où il n’était jamais retourné depuis plus de quarante ans. Il avait gardé la nostalgie de ce pays et surtout de ses airs et de ses danses, au point, a-t-il dit, "d’avoir eu toujours besoin de se référer à la musique brésilienne comme le noyau central de son identité". Paraíso a été réalisé entre la fin de 2019 et le début 2020 dans les jardins du Palacio do Catete de Rio, ancien siège du gouvernement avant que Brasilia ne devienne capitale. Les magnifiques jardins sont aujourd’hui ouverts au public.


 


 

Tous les jours, des hommes et des femmes des troisième et quatrième âges - ils ont entre 70 et 100 ans - s’y retrouvent, le soir venu, pour chanter ou y entendre des sambas, des choros et des sérénades du bon vieux temps. Le parc est devenu un repère essentiel dans leur vie par ailleurs modeste.


 


 


 

Ils s’y rendent sur leur 31, coiffés, pomponnés. Ils forment une assistance avec leurs fauteuils en matière plastique disposés en arc de cercle avant de se lancer, les uns après les autres, dans cette arène éphémère. Les numéros se succèdent, se suivent sans se ressembler. Certaines intervenantes captivent l’attention de leurs congénères par l’intensité de leur interprétation des chants, leur puissance vocale et la passion qui s’en dégage. On peut penser que certaines d’entre elles ont eu une carrière professionnelle. La chanson phare du film, Nào deixe o samba morrer ("Ne laissez pas mourir la samba"), enregistrée lors d’une de ces soirées, est un standard du genre, une invocation signée Aloísio Silva et Edson Conceição. Ces dames savent se mettre en scène ; elles n’hésitent pas à donner de leur personne ; elles esquissent volontiers quelques pas de danse avec les déhanchés de rigueur. Elles chantent accompagnées d’un petit orchestre d’hommes et de femmes, sans sono. Elles oublient leur âge - nous itou.


 


 


 

Certaines d’elles sont particulièrement attachantes. On pense à nos chanteuses réalistes d’avant-guerre, à Fréhel, Damia, Berthe Sylva. Le film est ainsi l’occasion de nous faire découvrir leur version des succès populaires de Chico Buarque, Nelson Cavaquinho, Carlos Alberto Ferreira Braga et Pixinguinha. Tous d’intemporels chants d’amour. Les textes, sus par cœur, sont repris en chœur.


 


 

Nous avons droit aux préparatifs, aux répétitions in petto, à quelques confidences aussi. Une veuve totalement déprimée raconte qu’elle croyait "voir son mari dans le frigidaire". Une autre avoue qu’elle ne cesse de chanter "dans sa tête". La caméra s’introduit chez un couple et décrit sommairement le quotidien d’une femme vivant dans un misérable gourbi.


 


 

Aucun d’eux, aucune d’elles jamais ne se plaint. Ils trouvent leur raison de vivre dans ce parc, jardin suspendu dans l’espace et le temps. Le film se focalise sur ces personnages et sur ce lieu - rares sont les images qui nous parviennent de la ville, du monde moderne.


 

Le montage du film est fluide. Sérgio Tréfaut prend le temps de nous restituer chaque prestation, chaque chanson, dans son intégralité. Le réel fait irruption quand défile le générique final, avec les noms des disparus entre le tournage et le montage du film, le premier d’entre eux étant Rubinho, le joueur de mandoline.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

* Le film a reçu le Grand Prix du documentaire musical au FIPADOC 2022.


Paraíso. Réal : Sérgio Tréfaut ; ph : Léo Bittencourt, Luis Abramo, Camila Freitas & Carlos Baptista ; mont : S.T., Bianca Oliveira & Mario Espada ; son : Joao Henrique Costa (Brésil-Portugal-France, 2021, 85 mn). Documentaire.



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