home > Films > Days (2020)
Days (2020)
de Tsai Ming-liang
publié le mercredi 30 novembre 2022

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°419, décembre 2022

Sélection officielle en compétition de la Berlinale 2020.
Prix du jury

Sortie le merccredi 30 novembre 2022


 


Un homme malade, solitaire, déambule dans un Taïwan dédalique avant d’aller se faire masser par un professionnel. Comme pour ses précédents films, l’histoire minimaliste de Tsaï Ming-liang lui est utile pour mettre en évidence la solitude induite par notre société moderne.


 

Au niveau de l’image, cette solitude est exhibée de deux façons. D’une part, les deux protagonistes sont souvent représentés seuls dans des espaces dépeuplés ou clos, filmés majoritairement au travers de plans-séquences longs et statiques. D’autre part, le mouvement ponctuel de foules ou de véhicules traversant le cadre à grande vitesse, du fait de leur rythme rapide, isole d’autant plus les deux personnages, dont les déplacements et les actions sont lents, voire apathiques.


 

La claustration de ces personnages est accentuée grâce à la bande sonore, dont la particularité émane du fait qu’à chaque changement de séquences, se joint un changement paradoxalement audible d’ambiance. Ce paradoxe réside dans le fait que presque toutes ces ambiances sont calmes et silencieuses, la différence de timbres des silences étant rendus perceptible par le passage d’un lieu à l’autre.


 

Associées à la fixité du cadre, ces ambiances sont utiles pour créer un puissant hors-champ, permettant de rendre tangible un monde bien plus vaste que celui montré à l’écran. Ce qui a pour conséquence de rapetisser l’espace des personnages et, ainsi, d’en accentuer l’enclavement. L’atmosphère du film est parachevée par l’absence de musique et par la raréfaction radicale des dialogues (plus contextuels qu’informatifs) ce qui facilite l’immersion sensorielle du public.


 

Mais loin de n’être qu’une diatribe contre la modernité, Days est pourvue d’une grande tendresse et d’un puissant érotisme. Pendant que la tendresse est véhiculée par le recours de l’auteur à son acteur régulier, Lee Kang-sheng, que l’on voit donc évoluer au fil des films, l’érotisme est amené par la relation se nouant entre les deux acteurs, durant la phase de massage homo-érotique. La tension intrinsèque de cette séquence vient, pour partie, de la structure narrative du film, qui consiste en un montage parallèle du parcours des protagonistes et qui permet donc de générer l’attente de leur rencontre. Et d’autre part, l’aspect langoureux de l’instant est accentué par un magnifique travail sur la lumière, qui en augmente l’aspect charnel. Tout le travail chromatique esthétise les espaces du film.


 

Le rythme de Days est ainsi pénétrant et son rythme lent et atypique possède une belle respiration. Cette respiration a ceci de particulier que, tout en étant créée par le biais d’un dispositif de mise en scène radical, elle permet de rendre évidente l’évolution de la psychologie et des sentiments que les personnages nouent l’un pour l’autre. Ainsi, la beauté de l’œuvre surgit peut-être d’abord de l’espoir qu’elle véhicule : celui d’un sentimentalisme et d’une poésie toujours possible, malgré une modernité isolant des individus.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°419, décembre 2022


Days (Rizi). Réal, sc : Tsai Ming-liang ; ph, mont : Jhong Yuan Chang. Int : Lee Kang-sheng, Anong Houngheuangsy. (Taïwan-France, 2020, 127 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts