Qu’une famille en vienne à se constituer par les liens du cœur aussi bien que par ceux du sang n’est pas un constat propre aux Bonnes Étoiles ni à l’univers de Hirokazu Kore-Eda (1). Pour creuser ce sillon, le cinéaste japonais se transporte cette fois en Corée du Sud, où a vu le jour ce phénomène des baby boxes qui permettent d’abandonner un nourrisson, bien vite recueilli par les services administratifs, dans l’espoir de lui donner une famille d’accueil.

Tout le début du film - la pluie, la nuit, le dépôt du bébé hors de la boîte, le tout observé par deux femmes depuis une automobile, sans que rien ne nous soit dit de ce qui unit ces personnages -, est suffisamment étrange pour que l’on se mette à espérer un grand film.

Mais c’est à partir du moment où, de l’intrigant, le cinéaste croit bon de passer à une intrigue, que le film devient plus convenu.
Le nouveau-né "détourné" par deux aigrefins, le film se replie alors sur un filon policier, mais avant tout sur une sorte de récit picaresque qui emporte dans un van la mère (prostituée), le nourrisson, les deux kidnappeurs et un bambin émouvant venu se greffer sur la petite troupe.

Hirokazu Kore-Eda entremêle alors les récits, multiplie les fausses fins, le tout dans le sens d’un certain unanimisme qui fait parfois ressembler le film à un feelgood movie. C’est d’autant plus dommage qu’il sait, à l’occasion, faire preuve d’un vrai sens des repérages, et d’une délicatesse de touche, comme lors de cet échange amoureux au sommet d’une grande roue.

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°416, été 2022

1. Une affaire de famille (Manbiki kazoku) de Hirokazu Kore-Eda a reçu la Palme d’or au Festival de Cannes 2018).

Les Bonnes Étoiles (Broker). Réal, sc, mont : Hirokazu Kore-Eda ; ph : Hong Kyung-pyo ; mu : Jung Jae-il ; cost : Se-yeon Choi . Int : Song Kang-ho, Gang Dong-won, Bae Doo-na, Lee Ji-eun (Corée 2022, 129 min).