Fièvre méditerranéenne, prix du scénario à Cannes 2022, dans la section Un Certain Regard, est le deuxième long métrage de Maha Haj, réalisatrice palestinienne née à Nazareth. Son premier film, Personal Affairs (2016), tournait déjà autour de la question identitaire des Palestiniens vivant en Israël. Ce second film relate l’amitié naissante entre deux voisins d’une cité de Haïfa où vit une communauté arabe. Walid (Amer Hlehel), en pleine dépression, est un écrivain palestinien qui tente d’écrire son premier roman, Jalal (Ashraf Farah) est un escroc sympathique et positif. Tous deux vivent en famille, avec femme et enfants. Le plus dégourdi des deux, Jalal, fait le premier pas et invite Walid à prendre le café. D’un tempérament impétueux, il le bouscule dans sa mollesse et de jour en jour, Walid s’attache à Jalal jusqu’à lui faire part d’un secret.

Fièvre méditerranéenne est un drame existentiel entre deux hommes devenus amis, malgré des traits de personnalité antagonistes - l’un voit la vie comme un pari quotidien, l’autre la trouve d’une inutilité profonde. L’escalade des sentiments entre les deux hommes est poignante et la grâce qui s’installe entre eux, le désespéré et le voyou, relève du miracle. Le film est construit sur la dualité. Dualité des terres : Palestine et Israël. Dualité des langues : l’hébreu et l’arabe. Dualité des hommes : Walid et Jalal. Dualité des caractères : le désespéré et le combatif. Tout ceci donne au récit richesse et densité.

Cette dualité sans cesse présente, et parfois exacerbée, met en scène l’homme et lui-même, l’homme et un autre ; aussi bien que la possibilité et une autre de considérer l’existence, la possibilité et une autre d’entrevoir la vie et la mort. La philosophie sous-tend la narration et, d’un bout à l’autre du film, la question du choix entre deux options la guide. La question identitaire, toujours liée à cette dualité de vision et à la nostalgie qui en découle. Le dénouement dramatique entre les deux amis, fait écho à la première séquence et au dialogue tragicomique entre le père et son fils au sujet de l’épouse et mère, retrouvée morte dans l’appartement.

Maha Haj enrobe la mort d’un humour habile et spirituel qui ne manque pas de surprendre dans cette tragique histoire. Les deux acteurs sont épatants et incarnent leurs personnages avec une rigueur, une rage et une intériorité exemplaires. Un film bien mené autour de la question de l’éternel mal-être des Palestiniens vivant sur la terre d’Israël.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°419, décembre 2022

Fièvre méditerranéenne (Mediterranean Fever). Réal, sc : Maha Haj ; ph : Antoine Héberlé ; mont : Véronique Lange ; mu : Munder Odeh. Int : Amer Hlehel, Ashraf Farah, Anat Hadid, Samir Elias, Cynthia Saleem (Allemagne-France-Chypre-Qatar, 2022, 110 mn).