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JC n°419 - décembre 2022

publié le samedi 24 décembre 2022

Couverture : L’Homme à la caméra (Dziga Vertov 1929).

Quatrième de couverture : Alastair G. Cumming The Draughtman’s Contract (Peter Greenaway, 1982).

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ÉDITO JC n°419, décembre 2022

 

Divine surprise. Le cinéma en salles, considéré comme placé en soins palliatifs depuis la fin du confinement, connaît une résurgence. Sans retrouver encore les sommets des belles années, les chiffres de l’automne 2022 ont de quoi redonner quelque espoir aux exploitants, maillon fragile auquel les chaînes du câble, la VOD et les plates-formes taillent des croupières. Nul doute que l’arrivée dans quelques jours du second volet de Avatar de James Cameron (accompagné d’un ramdam médiatique sans égal) va accentuer cette embellie.

Mais éclaircie durable ou déjeuner de soleil, ce sont les prochains mois qui en décideront. Pourtant, le fait que quelques films français pas forcément très grand public - La Nuit du 12 de Dominik Moll (2022), ou Revoir Paris de Alice Winocour (2022) - aient dépassé les 500 000 entrées laisse envisager des lendemains plus souriants. Craignons cependant que la confiance revenue dans la capacité d’ingestion des spectateurs ne conduise les distributeurs à persister dans la multiplication des offres, à coup de trente titres hebdomadaires. Les premiers bilans de l’année écoulée, dès janvier 2023, nous en diront plus.

Un autre bilan, que l’on attend avec intérêt tous les dix ans, vient de paraître : celui établi par les rédacteurs de la revue britannique Sight & Sound, doyenne des revues européennes, et qui dresse la liste des plus grands films de l’Histoire du cinéma. Liste qui n’a pour seule fonction que d’informer sur l’évolution des critiques et des modes de perception, le monument ainsi bâti étant voué à l’obsolescence décennale.
Le dernier Top Ten a de quoi surprendre puisque l’on trouve à son faîte Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 6080, Bruxelles de Chantal Akerman (1975). Provocation ? Promotion a posteriori de la radicalité ? Affirmation d’un élitisme distingué ? Les critiques britanniques sont pourtant gens sérieux. On peut reconnaître à la cinéaste un talent certain, admettre que Delphine Seyrig y est, comme toujours, parfaite, goûter la capture d’un temps réel aussi consciencieusement effectuée. De là à décider que rien de plus beau n’a été tourné depuis cent vingt-sept ans qu’il y a des hommes et qui filment, il y a un fossé que nous aurons du mal à franchir.
Et lorsque l’on découvre que le dossard n° 7 est porté par Beau travail de Claire Denis (1999), on continue de s’interroger sur les critères, objectifs ou subjectifs, qui ont présidé à ce vote.
On n’ergotera pas sur le reste de la liste (Vertigo, Citizen Kane, 2001, etc.), d’autant qu’elle inclut, en n° 10, L’Aurore de Friedrich Wilhelm Murnau (1927), ainsi qu’à la neuvième place L’Homme à la caméra de Dziga Vertov (1929), que nous saluons dans ce numéro. On peut simplement se demander où sont passés Ingmar Bergman, Michelangelo Antonioni, Luis Buñuel, Luchino Visconti, Alain Resnais, Max Ophuls ou Federico Fellini, pour s’en tenir aux classiques, Francis Ford Coppola, Robert Altman, Alejandro Gonzalez Iñarritu ou Alfonso Cuarón, parmi dix "modernes". L’air du temps est bien mystérieux.

La ville de Rolle semble porteuse d’un microclimat déplorable pour les réalisateurs là-bas installés, puisque, dix semaines après Jean-Luc Godard, Jean-Marie Straub vient d’y disparaître. S’il est difficile de comparer leur célébrité respective, sous la lumière pour l’un, dans l’ombre pour l’autre, chacun a arpenté, avec des moyens divers mais des positions théoriques proches, des territoires voisins.
Celui du premier était, quoiqu’on en pense, plus confortable pour le spectateur que celui du second, fort rugueux et d’une approche plus délicate. Mais lesdits spectateurs savaient à quoi s’attendre - comme l’écrit René Prédal plus loin : "Voir un film de Straub, ça se mérite". Avouons n’avoir pas toujours été, sur ce plan, très méritant, balançant entre la fascination et l’ennui - avec, de toutes façons, le respect devant l’aventure engagée soixante ans durant, seul ou avec Danièle Huillet, sa complice jusqu’en 2006. Et ce cinéaste pour le petit nombre valait bien que nous lui tirions notre chapeau.

Mylène Demongeot, disparue le 1er décembre 2022, ne s’adressait pas aux amateurs straubiens. Il n’empêche qu’elle a tenu une belle place pour d’autres amateurs, nombreux et tout autant cinéphiles, et que ses soixante-dix ans de carrière recèlent de multiples bijoux, par exemple Le Cavalier noir de Roy W. Baker (1961), ou Les Toits de Paris de Hiner Saleem (2007). Jeune Cinéma avait publié, il y a dix ans (n° 347-348, octobre 2012), un bel entretien avec l’actrice, recueilli par Philippe Mouren. (1)

Au sommaire de ce numéro, une rencontre avec Bertrand Bonello, auteur pas suffisamment abordé par la revue, la suite (et la fin) du cycle sur les symphonies urbaines, un coup d’œil rétrospectif sur le film de Peter Greenaway enfin réédité, et une divagation qui ouvre des perspectives inédites sur Joseph Losey et le Sein und Zeit de Heidegger.
De quoi tenir jusqu’au numéro prochain, qui traitera de tout ce qui n’a pas pu tenir dans celui-ci, trop étroit : Jean Grémillon, Sadao Yamanaka, Pierre Prévert, Raymond Borde (2), Norma Talmadge, et tant de choses encore…
L’abondance de textes nous conduit à offrir comme simple un numéro qui, il n’y a pas dix ans, aurait pu être proposé comme double (leur pagination ne dépassait pas alors 146 pages). La revue pourra-t-elle continuer à ce rythme, à un moment où le prix du papier va atteindre celui du caviar ? Sans doute, si la fidélité de ses lecteurs ne se dément pas, des lecteurs que toute l’équipe souhaite retrouver en 2023, animés par la même curiosité et le même souci de redécouverte.

Lucien Logette

P.S. William Klein a beaucoup tourné, mais pas Le Couple fantôme que nous lui avons attribué dans l’éditorial du n° 417-418. Il s’agissait évidemment du Couple témoin.

1. Philippe Mouren a créé à Toulon un musée consacré à Mylène Demongeot.

2. Dont on recommande la biographie, Raymond Borde, une autre histoire du cinéma (Privat), de Christophe Gauthier & Natacha Laurent, à lire immédiatement avant sa recension.



 

SOMMAIRE JC n°419, décembre 2022

 

Cinéma français
 

* Coma, par Gisèle Breteau Skira.
* Rencontre avec Bertrand Bonello, par Élias Hérody.

Patrimoine
 

* Il était une fois… les Symphonies urbaines VI. Le cas Vertov, par Daniel Sauvaget.

Festivals
 

* Biarritz 2022, par Alain Souché & Nicole Gabriel.

* Montpellier 2022, par Alain Souché.

* Valladolid 2022, par Jean-Max Méjean.

* Auch 2022, par Alain Souché.

* La Slovénie à Paris 2022, par Sylvie L. Strobel.

DVD
 

* Glanures, de John Ford à George A. Romero, par Philippe Roger.

* Chronique d’hiver, par Jérôme Fabre.

* Un avant-goût de la Nouvelle Vague, par Lucien Logette.

* Sur deux films de Yasuzo Masumura, par Frédéric Gavelle.

* Olivier Zuchuat, par Claudine Castel.

* La Croisière jaune, par Nicolas Villodre.

Cinéma & Histoire
 

* Meurtre dans un jardin anglais, par Jean-Michel Ropars

Cinéma & Musique
 

* Rewind and Play, par Nicolas Villodre

Actualités
 

* Joyland, par Nicole Gabriel.

* Corsage, par Sol O’Brien.

* Caravage, par Gisèle Breteau Skira.

* Les Huit Montagnes, par Jean-Max Méjean.

* Days, par Hugo Dervisoglou.

* L’ombra del giorno, par Francis Guermann.

* Retour à Séoul, par Nicole Gabriel.

* Venez voir, par Gisèle Breteau Skira.

* La Passagère, par Jean-Max Méjean.

* Hinterland, par Hugo Dervisoglou.

* La Ligne, par Gisèle Breteau Skira.

* La Poupée, par Nicole Gabriel.

* Anna, par Francis Guermann.

* Earwig, par Bernard Nave.

* Fièvre méditerranéenne, par Gisèle Breteau Skira.

* L’Âme sœur, par Francis Guermann.

* Mourir à Ibiza, par Jean-Max Méjean.

Livres
 

* Thierry Frémaux, Si nous avions su que nous l’aimions tant..., par Bernard Nave.

* Louis Héliot, Ces Belges qui font le cinéma français, par Jean-Max Méjean.

* Cyril Buffet, Simone à Babelsberg, par Andrea Grunert.

Divagations
 

* Que d’être !… Que d’Être !…, par Patrick Saffar

Nécrologie
 

* Les Straub, par René Prédal.

* À Jean-Marie Straub, par Francis Guermann.

Humeurs
 

* Toulouse, souvenir éternel, par Bernard Chardère.



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