Le beau village occitan de Conques est surtout connu comme étape essentielle par les pèlerins du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Sans doute aussi par les amateurs de l’œuvre de Pierre Soulages, dont le musée est à Rodez, à quelques kilomètres, et qui a réalisé, les cent-quatre vitraux de l’Abbaye Sainte-Foy.

À Conques, il y a aussi l’Association Limbo (1), fondée en 2016 par la cinéaste et militante Cécile Allegra, avec le soutien de la Communauté de sainte Foy, devenue ainsi "patronne" des prisonniers et des otages.

Les demandeurs d’asile, quand on les accueille, on considère que c’est déjà bien et que c’est suffisant. L’association, elle, prolonge cet accueil, soigne les répercussions post-traumatiques de jeunes exilés, rescapés de l’enfer concentrationnaire libyen, particulièrement impactés par les sévices qu’ils ont subis, aussi au cours de leur fuite à travers déserts, mers et inhumanités.

Le film Le Chant des vivants, c’est le récit de ces séjours de soins, (six fois par an pour en moyenne dix migrants pendant une semaine) qui recourent aux différentes méthodes d’art-thérapie, musique, danse, théâtre avec l’aide de psychologues et de bénévoles, avec la perspective d’une résilience. Elle fonctionne comme un véritables sas de résurrection.

Cécile Allegra filme l’expérience d’une dizaine de ces jeunes migrants très abîmés. Tel était en Guinée dont le village a été incendié, tel autre, qui vivait tranquillement dans sa famille, a été férocement tabassé pour avoir manifesté, telle autre encore a dû fuir son village bombardé. Une fois partis, asservis, rançonnés, torturés, ils n’auraient pas pu rebrousser chemin, et une fois parvenus en terre d’asile où ils espèrent pouvoir rester, leur blessure intérieure reste inexprimable.

Sous la direction musicale de son ami Mathieu Duplessis et dans un environnement bienveillant, ils apprennent à dénouer leur tourment indicible par le détour de petites chansons mises en musique et à partir de leurs propres mots. Ils chantent sur le petit frère de 7 ans noyé avec sa mère, sur leur pays, sur la route. Certains étaient déjà musiciens, d’autres le deviennent, ils composent leur hymne des vivants.

On se dit que ces soignants sont des orfèvres, on constate les progrès dans les soins individuels. Mais on se dit que ce serait quand même mieux d’éviter les massacres. On se demande si ces survivants, une fois réparés, pourraient être en mesure de contribuer, sinon à éradiquer, au moins à dévier les fatalités des horreurs subies.

Cécile Allegra a réalisé une quinzaine de documentaires et reçu de multiples récompenses dont le prix Albert-Londres, en 2015 pour son Voyage en Barbarie traçant l’errance de six rescapés du désert du Sinaï vers le grand Nord.
Le Chant des vivants a été sélectionné dans divers festivals :
En 2021, à Nyon, à Visions du Réel, et en 2022, à Paris, au festival de cinéma d’Attac, Images mouvementées, au Festival du film social, ainsi qu’à Bruxelles, au festival du film documentaire, Millenium.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. L’Association Limbo.

Le Chant des vivants. Réal, sc : Cécile Allegra ; ph : Thibault Delavigne ; mont : Fabrice Salinié & Michael Phellippeau ; mu : Mathias Duplessy (France, 2021, 82 mn). Documentaire.