par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°416, été 2022
Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2022
Sortie le mercredi 21 décembre 2022
On se demande pourquoi un film comme celui-ci finit dans la section Un Certain Regard et non en sélection officielle où il avait largement sa place par rapport à d’autres. Moins glamour certes avec son format plus carré, sans acteurs archi connus, mais oh combien plus original tant par son sujet que par son style. Et au final, une expérience visuelle bien plus riche que bien des films qui cherchent à cocher les cases d’une prétendue "modernité".
À la fin du 19° siècle, Lucas un jeune prêtre danois est envoyé en Islande pour y bâtir une église et photographier les habitants. L’endroit est plutôt austère. Heureusement il est accompagné par un natif de la région, Ragnar, qui lui apprend entre autre à maitriser un peu la langue mais aussi lui sert d’intermédiaire avec les habitants du coin.
Le film paraît ne pas raconter grand-chose pour rester dans un minimalisme du récit qui correspond à la vie de cette communauté. Cette impression s’estompe vite car le regard du spectateur est finalement capté par une foule de détails qui composent un univers par lequel il est facile de se laisser subjuguer.
C’est vrai des liens que noue Lucas avec les deux filles de l’un des fermiers. C’est vrai aussi de la place que prend le chantier de l’église. Pareillement au niveau de l’entreprise photographique du jeune prêtre qui transporte son encombrant matériel dans des lieux inattendus pour faire poser ses modèles.
Surtout, le réalisateur offre une superbe exploration du cadre naturel dans lequel se déroule son histoire. Pas besoin d’un écran large pour magnifier la beauté des paysages. Ce qui compte ici c’est la qualité des lumières, le choix de filmer un glacier, des herbes à différentes saisons. Travail d’une infinie patience et d’une délicatesse qui pousse à la contemplation et donne au film une fonction presque thérapeutique tant la durée, le silence nous font oublier le tumulte du monde qui nous entoure. Un tel cinéma procure le bonheur d’en redécouvrir la fonction la plus essentielle, celle qui consiste à restituer l’essence profonde des êtres et des choses.
Bernard Nave
Jeune Cinéma n°416, été 2022
Godland (Vanskabte land). Réal, sc : Hlynur Pàlmason ; ph : Maria von Hausswolff ; mont : Julius Krebs Damsbo ; mu : Alex Zhang Hungtai Int : Elliott Crosset Hove, Ingvar E. Siurosson, Jacob Lohmann, Vic Carmen Sonne, Ida Mekkin Hlynsdottir, Hilmar Guðjónsson Ingvar Þórðarson (Danemark-Islande-France, 2022,138 mn).