home > Films > Corps à cœur (1978)
Corps à cœur (1978)
de Paul Vecchiali
publié le mercredi 22 novembre 2023

par Luce Vigo
Jeune Cinéma n°121, septembre 1979

Sorties les mercredis 4 juillet 1979, 11 février 2015 et 22 novembre 2023


 


Corps à cœur de Paul Vecchiali est sorti en salle commerciale, précédé d’un court-métrage de Noël Simsolo, Images de femme (1977). Ce fait, si rare, de l’accouplement heureux d’un court et d’un long métrage offert à un large public, mérite d’être souligné. Plan-séquence de cinq minutes et demie, durant lequel un cinglé de cinéma parle de femmes, de la femme - et l’évocation passionnée et pleine d’esprit qu’il en fait suscite leur venue très "cinématographique" à l’écran - le film de Noël Simsolo est un plaisir en lui-même. Ii a aussi le mérite do nous mettre "en condition" pour la suite. Non pas que Corps à cœur ait une vraie parenté avec Images de femme, sinon qu’au générique de l’un et de l’autre on peut lire le même nom de l’opérateur - Georges Strouvé -, que l’amour pour la femme en est le thème central, et que l’on sent dans les deux films comme un souffle de folie cinéphilique, intelligemment mise en scène de façon à produire un certain nombre d’effets, contradictoires si l’on se réfère aux réactions de la critique et du public.


 

Corps à cœur est délibérément un mélodrame avec ce que cela comporte de situations invraisemblables, de rebondissements, d’étalages de sentiments. Certains n’aiment pas, refusent la convention du genre. Pourtant, cela fait du bien de se laisser aller à un film comme celui-là, d’où naissent à la fois l’émotion et un sentiment de connivence un peu intellectuelle suscitée par le réalisateur.


 

Comme tout mélo, le film est difficilement racontable, surtout celui-ci dont la construction et le ton ne sont pas linéaires. On peut dire qu’il s’agit de l’amour fou d’un garagiste de trente ans pour une pharmacienne entrevue à un concert Fauré - "Je veux tout savoir sur cette femme" -, que cette pharmacienne (pas de la première jeunesse, mais très féminine) se refuse, puis "prend ce qui lui plaît quand ça lui plaît", obligeant Pierrot le garagiste à des actes insensés, se livre enfin pour se reprendre au moment même où elle se donne la mort.


 


 

Mais c’est enlever au film ce qu’il a vraiment de personnel, de touchant et de provocant. D’invitant un peu aussi lorsqu’un souci de "pittoresque", en décalage soudain avec le ton général, douche brusquement l’émotion. De film en film, d’une manière peut-être inégalement heureuse, Paul Vecchiali suit un itinéraire qui lui est propre, qui sacrifie peu à la mode, et qui est marqué par une constante fidélité à des lieux - comme le marché dans L’Étrangleur (1970), ou le café, comme dans La Machine (1977) -, à des personnages-copains et à des acteurs.


 


 

Ainsi, Corps à cœur a été écrit pour le personnage de Jeanne-Michèle pharmacienne, objet du fol amour de Pierrot, qu’interprète Nicolas Silberg, donc pour Hélène Surgère, et il faut bien reconnaître que son jeu, dans ses nuances multiples, qui vont d’une sorte de marivaudage à la passion libérée, donne au personnage toute sa crédibilité. Ce que renforce le "jeu" de la caméra de Paul Vecchiali, sa place par rapport au sujet filmé, la durée des plans, la présence accordée à une multitude de personnages annexes qui traversent l’histoire et finissent par en faire partie intégrante.


 

C’est autour du jeune garagiste qu’ils gravitent tous : l’associé du garage malheureux des élans homosexuels qui l’attachent en secret à Pierrot, les habitants de la ruelle "petit peuple de la rue" aussi surréaliste que naturaliste : Platon, la vieille logeuse.
Plus "vraies" : la mère interprétée par Madeleine Robinson, une visiteuse régulière et chaleureuse (Danièle Cain), une petite qui sert de messagère à Pierrot, Mélinda la chanteuse, d’autres encore dont les rapports avec le jeune garagiste contribuent à dessiner les traits du personnage : séducteur vulnérable, garagiste mélomane, dont Paul Vecchiali nous livre tous les émois, tous les égarements, nous faisant même partager ces larmes d’homme que l’on cache souvent pudiquement à l’écran.
Le film est dédié à Gabriel Fauré et à Jean Grémillon.

Luce Vigo
Jeune Cinéma n°121, septembre 1979


Corps à cœur. Réal : Paul Vecchiali ; sc : P.V. & Martine Macqueron ; ph : Georges Strouvé ; mont : P.V. & Franck Mathieu ; mu : Gabriel Fauré et Roland Vincent. Int : Hélène Surgère, Nicolas Silberg, Béatrice Bruno, Myriam Mézières, Madeleine Robinson, Marie-Claude Treilhou, Christine Murillo, Sonia Saviange, Liza Braconnier, Emmanuel Lemoine (France, 1978, 126 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts