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Retour à Séoul (2022)
de Davy Chou
publié le mercredi 25 janvier 2023

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°419, décembre 2022

Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2022

Sortie le mercredi 25 janvier 2023


 


Avec Retour à Séoul, le cinéaste franco-cambodgien Davy Chou change de direction. Jusqu’à présent, il s’était intéressé à son pays d’origine, notamment en 2011, avec le documentaire Golden Slumber, qui évoquait l’âge d’or du cinéma populaire cambodgien (1). En 2016, Diamond Island confrontait le Cambodge du passé à celui, actuel, du néolibéralisme galopant. Entre ces deux longs métrages, un court, Cambodia 2099 (2014) où il s’entretenait avec un de ses amis, Neang Kavich, dont il devait récemment produire le très beau White Building (2021) (2).


 


 

Avec Retour à Séoul, ce cinéaste proche de Rithy Panh, signe un film différent des trois autres. Il n’aborde ni le thème de son origine, ni celui du génocide des Khmers rouges. Sa protagoniste est une jeune femme, une Coréenne d’origine, mais française de nationalité et de culture. Il y traite de la question de l’adoption, sujet qu’il n’avait jamais effleuré. En l’occurrence, celle d’enfants sud-coréens adoptés par des organisations dites "charitables", qui fut une pratique massive à partir du milieu des années cinquante. Elle se justifiait alors, dans la période d’après-guerre, par la pauvreté du pays et le nombre d’orphelins, mais elle est devenue usage courant jusqu’en 2011 (3).


 


 

De l’arrière-plan de ce drame collectif, Davy Chou détache le destin personnel d’une jeune femme de 25 ans, prénommée Freddie, en quête de ses parents biologiques. À la suite de l’annulation de son vol pour le Japon, elle se retrouve seule à Séoul. Bon gré mal gré, entre deux séquences de beuverie ou de flirt, elle entreprend ses recherches de géniteurs. On trouve les thèmes chers au réalisateur : la double appartenance, la quête du passé et de soi-même, la ténuité des traces. Pour prouver son identité, Freddie dispose seulement d’une photo jaunie d’elle bébé avec, au dos, un numéro énigmatique.


 


 

Le film montre, sans aucune sensiblerie, l’indignation de la jeune femme, qui se sent rejetée des siens, comme elle le clame haut et fort. Sont ainsi exposés les différents us et coutumes entre l’Europe et l’Asie. Au pays du matin calme, les femmes doivent restées polies et réservées en toutes circonstances. Freddie se comporte quant à elle comme un macho bougon, comme pour justifier l’ambiguïté de son prénom. Il convient de souligner la performance de Park Ji-min, rompue à toutes les gestuelles. La scène du repas familial où est évoqué le tabou de son adoption est une des mieux jouées et mises en scène.


 


 

Progressant par bonds et par ellipses, par des zappings qui laissent le spectateur pantois, multipliant les effets de lumière, fluo dans les scènes nocturnes, blafarde à l’arrivée du jour, Davy Chou prolonge ad libitum son récit sur huit ans.


 


 


 

Au lieu de retourner dans le Lot comme prévu au départ, l’héroïne s’installe à Séoul. Elle y exerce le métier d’escort-girl, avant de devenir artiste plasticienne. Entre-temps, elle se fait engager par une firme française qui vend des missiles. Comme dans un roman picaresque, on ne voit pas de fin à ses tribulations.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°419, décembre 2022

1. Il faut dire que le grand père de Davy Chou, Van Chann, puis l’épouse de celui-ci, avaient été parmi les principaux producteurs de l’âge d’or du cinéma khmer entre 1963 et 1975.

2. "White Building", Jeune Cinéma en ligne directe.

3. Durant l’année 1986, près de 9000 enfants sud-coréens sont envoyés à l’étranger, soit un toutes les heures (RFI, 23 septembre 2022.)


Retour à Séoul. Réal, sc : Davy Chou ; ph : Thomas Favel ; mont : Dounia Sichov ; mu : Jérémie Arcache & Christophe Musset ; cost : Claire Dubien. Int : Park Ji-min, Louis-Do de Lencquesaing, Yoann Zimmer, Guka Han (France-Allemagne-Belgique-Corée-Roumanie-Cambodge-Qatar, 2022, 115 mn).



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