par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023
Sélection officielle de la Mostra de Venise 2022
Sortie le mercredi 8 février 2023
Max est paysagiste, son objectif est de transformer en un parc une zone à l’abandon dans le Marseille populaire. Alors que son projet est dans l’impasse, il s’entête à trouver des sponsors tout en gérant une vie familiale qui se complique.
C’est autour du parcours de son héros que Philippe Petit construit son récit. Un parcours qui est prétexte à une plongée dans une ville écartelée entre l’abandon et la gentrification. Tant que le soleil frappe évite ainsi l’image carte postale de la ville pour se concentrer sur son cœur, fragmenté par le communautarisme social. Une fragmentation retransmise au travers de cadrages qui atomisent l’espace, évitent les plans d’ensemble et montrent l’aspect étouffant du centre pauvre, tandis que ses pourtours sont associés à l’aisance bourgeoise.
Un point de vue politique radical qui tendrait au manichéisme s’il n’était pas contrebalancé par l’usage subtilement symbolique d’une nature présente dans chaque décor. Une nature qui, dans une inspiration très hugolienne, reflète l’état social du lieu dans lequel elle pousse. Elle est ainsi rare, en jachère, dans les endroits délaissés, ou organisée et cloîtrée en milieu cossu. Mais au-delà de son aspect social, Quand le soleil frappe est un film dont l’atout demeure un héros dont la riche ambiguïté est parfaitement mise en valeur par Swann Arlaud.
Ainsi, Max est un homme complexe oscillant entre le fou, l’homme de conviction, l’idiot et l’innocent, l’ensemble de ces variations étant utile pour matérialiser la belle question qui travaille le personnage : comment concilier une ambition idéaliste avec la nécessité pragmatique de gagner sa vie ? Swann Arlaud, par son talent, donne ainsi de l’épaisseur à un individu qui aurait facilement pu tomber dans une caricature de militant radical, et il est dommage que cette complexité ne se retrouve pas forcément dans certains rôles secondaires, écrits à plus gros traits, ou incarnés avec moins d’habileté.
Il est toutefois à noter que la sensation d’improvisation qui émane régulièrement de la distribution favorise la nature immersive du récit, en contribuant à créer une atmosphère réaliste et crédible. Enfin, en contraste de son image oppressante qui évite le ciel et qui est braquée sur le béton, le bitume ou la roche, les musiques employées donnent une allure aérienne à certaines séquences et ainsi créent un appel d’air qui dynamise le rythme du récit avec efficacité.
La dénonciation de l’apathie et de l’abandon général, tout comme la vision d’une communauté populaire idéalisée, évoque le cinéma de Robert Guédiguian et il se marie bien avec la fragmentation presque poétique de l’espace urbain sale et chaud qui fait penser, lui, au Gonzalez Iñárritu de Amores perros (2000). Quand le soleil frappe est un premier film de fiction réussi, dont le versant politique et social radical demeure respectable dans la mesure où il ne handicape pas la crédibilité de son histoire ou l’immersion du spectateur.
Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023
Tant que le soleil frappe. Réal : Philippe Petit ; sc : P.P., Marcia Romano, Laurette Polmanss & Mathieu Robin ; ph : Pierre-Hubert Martin ; mont : Valentin Feron ; mu : Andy Cartwright. Int : Swann Arlaud, Sarah Adler, Grégoire Oestermann, Pascal Reneric, Djibril Cissé (France, 2022, 85 mn).