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Project Wolf Hunting (2022)
de Kim Hong-seon
publié le mercredi 15 février 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023

Sortie le mercredi 15 février 2022


 


Dernier-né du cinéma de genre coréen, Projet Wolf Hunting va en traumatiser plus d’un avec ses deux tonnes et demie de faux sang utilisé. Il faudrait un jour se pencher sur l’engouement coréen pour le gore et le soju…
Alors qu’ils sont transférés depuis les Philippines vers la Corée du Sud par un navire cargo, plusieurs dangereux criminels provoquent une violente émeute, jusqu’à ce qu’un monstre non-identifié sorte de son sommeil.
Voilà le synopsis de ce film bien construit, efficace et qui n’est pas seulement du grand spectacle, mais propose en outre une analyse de nos sociétés fragiles et hyper protectrices qui ne parviennent pas toujours à éviter le grain de sable qui détraque la machine.


 


 

Le souhait du réalisateur était de montrer le parcours de criminels extradés des Philippines vers la Corée, tout en abordant le sujet des victimes coréennes de la colonisation japonaise. Ce type d’extradition massive a réellement eu lieu. Par ailleurs, des expérimentations scientifiques sur des sujets "cobayes" ont été pratiquées pendant la colonisation de la Corée par le Japon.


 

Le film commence comme un banal thriller américain et s’amuse ensuite à jouer avec des genres différents : film politique, film d’action, film d’horreur avec sang et combats et enfin film de science-fiction, avec l’arrivée d’un monstre du type The Thing, celui de Christian Nyby & Howard Hawks (1951) (1), même si cette créature est encore bien terrestre. Du coup, le cargo Frontier Titan se transforme en une réelle cellule de violences en tout genre, accentuant la terreur que pourrait ressentir le spectateur et le fort sentiment de claustrophobie dont on ne sort pas indemne. Sur le bateau, tout n’est désormais plus que sauvagerie : des êtres humains massacrent d’autres humains avec un seul objectif : obtenir leur liberté.


 

Se crée donc un rapport de domination sanglant, dans lequel l’humiliation a son importance. Lorsqu’un personnage urine sur le cadavre d’un homme qu’il vient de tuer en s’allumant une cigarette, il affirme tout simplement sa jouissance d’une liberté retrouvée, et d’une domination totale sur celui qu’il considérait comme la dernière entrave à cette liberté.


 


 

Tout le film travaille sur la multiplicité des protagonistes, comme si le spectateur devait être à la fois horrifié et désorienté par la trame narrative qui le transporte au travers de vagues successives de points de vue, qui transforment cette odyssée en véritable géhenne, à l’image du monde moderne. Ainsi notre société prétendument apaisante qui appelle ses opérations de noms effrayants du style "Chasse au loup" en prend un coup, puisqu’elle ne parvient pas à imposer un ordre à ce monde qu’elle prétend, d’un autre côté, dominer.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023

1. La Chose d’un autre monde (The Thing from Another World) de Christian Nyby & Howard Hawks (non crédité) (1951).
En 1982, est sorti The Thing de John Carpenter, adapté du même roman.


Project Wolf Hunting (Neugdaesanyang). Réal, sc : Kim Hong-seon ; ph : Yoon Ju-hwan ; mont : Lee Ga-ram & Shin Min-kyung ; mu : Jo Ran & Kim Jun-sung. Int : Seo In-guk, Jang Dong-yoon, Jung So-min, Choi Gwi-hwa, Park Ho-san (Corée 2022, 122 mn).



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