home > Films > Last Dance (2021)
Last Dance (2021)
de Coline Albert
publié le mercredi 22 février 2023

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023

Sortie le mercredi 22 février 2023


 


Last Dance est le premier long métrage de Coline Abert, qui débuta sa carrière comme scénariste de séries télé à la française. C’est un documentaire consacré à Vince, alias Lady Vinsantos, une drag queen célèbre à la Nouvelle Orléans. C’est aussi un hommage à cette ville que la réalisatrice aime tout particulièrement.


 

Après le passage de l’ouragan Katrina, une partie des artistes de New York et de la côte Ouest des États-Unis s’installa à la Nouvelle Orléans où les loyers étaient devenus très bon marché. De ce fait, on assista à une euphorie artistique, véritable bulle créative, autorisant toutes les expérimentations. Coline Abert y fit la connaissance de Vince, non-gender, impossible à définir, et, en tout cas, un clown.


 


 

Elle a suivi trois années durant ce personnage singulier, "sur le fil entre le réel et la fiction", pour reprendre ses termes. Elle a obtenu ainsi deux cents heures de rushes avec des entretiens et des prises de vue de ses spectacles, auxquelles se sont ajoutées des archives personnelles - de vieilles photos et des films de famille. Elle qualifie son diilm du néologisme dragumentary.


 

Le film s’ouvre dans une profusion de couleurs et de lumières. Il faut dire que nous sommes un soir de Mardi Gras. Avec une parade de chars, dont celui où trône la Reine de la Nuit, Vince, qui interpelle "hommes et femmes et tout ce qui est entre les deux". Par son accoutrement théâtral - sa perruque noir d’ébène, son maquillage outré, ses faux seins et autres artifices -, Vince dégage une aura peu commune.


 

Il a par ailleurs le chic pour mettre les rieurs de son côté. Quand il n’est pas en représentation, qu’il est, quoi de plus naturel, en somme, "en homme", il sait fort bien parler de son art, qu’il rapproche de l’opéra "avec ces costumes, ce goût du mélodrame". Il fait allusion à son ascendance italienne et il évoque le goût maternel et celui de sa grand-mère pour les vêtements, les fanfreluches et les bijoux.


 

La cinéaste nous entraîne également dans son école-atelier pour drags. Il appelle ses élèves ses "enfants", les encourage à s’exprimer par le masque, le déguisement, l’excès, leur montrant le chemin d’une joyeuse libération. Le film n’est ni prosélyte ni militant, même s’il mentionne, en usant d’images des années 90, la question du sida et celle des luttes pour les droits des LGBT. Si l’euphorie domine, la gravité point alors. D’autant que ce fêtard patenté offre un autre visage, mélancolique, que la réalisatrice souligne dans sa BO en insérant le Glockenspiel mozartien.


 

Vince va célébrer ses 50 ans. Il fait part de ses doutes, se plaint de l’apparition de rides, de la poussée d’un double menton, de la naissance d’un petit ventre. Il perd de sa belle assurance.
Dans une scène qui se réfère à The Picture of Dorian Gray (1890), il s’autofustige en s’invectivant, face au miroir. Il souhaiterait, avant de tirer sa révérence, réaliser son rêve : un show sur la scène de l’Opéra de Paris. Ce fantasme se matérialisera à Paris, non au Palais Garnier, mais dans une jolie salle de music-hall.


 

Last Dance est donc, du début à la fin, une fête pour les yeux, pour peu que l’on ne soit pas trop regardant en termes d’esthétique - le kitsch étant omniprésent. Les visages de Vince, de ses proches et de ses adeptes sont filmés de très près, ce qui nous introduit au mieux dans l’intimité de la petite troupe. Plein d’énergie et d’humour, le documentaire brosse un portrait attachant de Vince, à la fois homme, femme et enfant.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023

1. La première version du Portrait de Dorian Gray de Oscar Wilde a d’abord été publiée, en nouvelle, en juillet 1890 dans le périodique américain Lippincott’s Monthly Magazine. La version roman a été publiée en avril 1891
Sur Internet, on peut lire en ligne la traduction de Albert Savine (1895).
Ou celle de Eugène Tardieu (1920).


Last Dance. Réal, sc : Coline Albert ; sc : C.A. & Théo Eliezer ; ph : Paavo Hanninen ; mont : Jessica Menéendez ; mu : Casual Melancholia. Int : Vinsantos DeFonte, Gregory Gajus (France, 2021, 100 mn). Documentaire.



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts