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Benjamin ou les Mémoires d’un puceau (1967)
de Michel Deville
publié le lundi 20 février 2023

par Luce Vigo-Sand
Jeune Cinéma n°29, mars 1968

Prix Louis-Delluc 1967

Sortie le vendredi 12 janvier 1968


 


"On nous dit que les spectateurs sortent heureux de Benjamin, tant mieux. Mais attention ! Notre but n’est pas seulement de plaire...". Ainsi s’expriment Michel Deville et Nina Campaneez à propos de leur dernier film, Benjamin ou les mémoires d’un puceau. (1)


 


 


 

Certes le film est plaisant, si on rit un peu en le voyant, on sourit beaucoup. Il semble que le spectateur soit pris par une sorte de charme : l’histoire, le cadre, l’époque, le ton, tout concourt à donner une impression de ravissement étonné. Étonnement que tout soit si joli - les sous-bois, la rivière, les hêtres et les gens -, que l’expression des sentiments reste si pleine de retenue, alors que les mots sont souvent sans voile, les gestes sans ambiguïté, et les seins des dames et des soubrettes toujours prêts à se dénuder.


 


 

Mais l’histoire de Benjamin, cet ingénu qui ne le restera pas longtemps, est une comédie qui, sous des allures légères de libertinage, prend par touches cruelles des dimensions dramatiques : un jeune homme pauvre et candide du 18e siècle est conduit par son précepteur chez une tante riche et belle.


 


 

Alors commence pour lui une éducation sentimentale à laquelle participent servantes enjouées et belles dames provocantes, troublées chacune par l’ingénuité et la jeunesse qui s’offrent à elles. Un comte, amant quelque peu infidèle de la tante, décide d’initier, lui aussi, Benjamin aux jeux de l’amour. Mais ces jeux ne sont pas sans risques, et certains personnages s’y blessent.


 


 

S’épanouit et paraît alors un sentiment que l’on s’interdisait jusqu’ici de montrer, et même de ressentir : la souffrance. Au cœur d’une fête, elle éclate, - dévorante comme le feu qui détruit la grange où s’ébattaient Benjamin et deux jeunes femmes -, et prend la forme d’une larme longtemps retenue, d’une colère que l’on ne contient plus, d’une recherche qui ne cache pas son angoisse. Michèle Morgan pleure la perte définitive de son amant, Francine Bergé crie sa douleur amère, Michel Piccoli court après son amour rebelle, alors qu’ensemble Catherine Deneuve et Pierre Clémenti donnent un épilogue aux mémoires du puceau. On joue maintenant à se faire mal, à soi-même et aux autres.


 

Michel Deville et Nina Campaneez ont su trouver un ton d’une grande élégance pour exprimer la subtile et profonde dérision d’un libertinage qui n’en est plus un. Leurs interprètes sont remarquables, Michèle Morgan d’abord, mais aussi Michel Piccoli, Catherine Deneuve, Pierre Clémenti, Odile Versois, Francine Bergé, Jacques Dufilho, et les autres.

Luce Vigo-Sand
Jeune Cinéma n°29, mars 1968

1. Propos recueillis par Gilles Jacob, Nouvelles Littéraires du 25 janvier 1968.


Benjamin ou les Mémoires d’un puceau. Réal : Michel Deville ; sc : M.D. & Nina Companeez ; ph : Ghislain Cloquet ; mont : Nina Companeez ; mu : Jean Wiener ; déc : Claude Pignot ; cost : Rita Bayance. Int : Michèle Morgan, Michel Piccoli, Pierre Clémenti, Catherine Deneuve, Jacques Dufilho, Francine Bergé, Anna Gaël, Catherine Rouvel, Tania Torrens, Odile Versois, Angelo Bardi, Sacha Briquet, André Cellier, Madeleine Damien, Diane Lepvrier, Lyne Chardonnet, Cécile Vassort, Nina Companeez (France, 1967, 100 mn).



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