Ce film aux magnifiques images à la Sebastião Salgado - dues au réalisateur Simon Panay lui-même - tente d’aller plus loin que le simple documentaire sur les enfants africains qui travaillent dès leur plus jeune âge dans les mines.

Déjà, Ici personne ne meurt (2016), son quatrième court métrage, filmé dans une mine illégale du Bénin, avait remporté quelque cent-trente prix dans divers festivals. Il revient ici sur le sujet de la mine d’or, celle-ci légale, mais au Burkina-Faso, pays qui sombre actuellement dans l’insécurité. L’Afrique est là, avec ses mystères, ses règles souvent implicites, sa misère, mais aussi ses couleurs, son ambiance et ses paradoxes. Un de ceux-ci est de voir une mine légale, milieu masculin très dur et dangereux, employer des enfants, pour quelques cailloux censés contenir un peu de métal.

Le film trace le portrait d’Opio, 13 ans, qui, pour pouvoir payer ses études de plomberie, va accepter de descendre dans la mine. C’est au cours de repérages dans les villages, afin de pouvoir obtenir la confiance des habitants, des chefs et des travailleurs, que le réalisateur a rencontré ce jeune garçon au visage rayonnant et à la force vitale incroyable, qui s’est imposé tout de suite comme le personnage principal de ce documentaire. Opio possède une grande maturité mais aussi un côté enfantin - on le voit, lors de sa première descente dans la mine, tirer la langue pour cacher la peur qui l’assaille et qu’il ne peut montrer.

Opio est sur tous les fronts et se déplace à grande vitesse, affublé d’un pantalon de bagnard qu’il ne cesse de remonter. On le voit avec les autres enfants travailleurs, discuter pied à pied le prix des quelques misérables grammes d’or pur récoltés, ou avec son père qui le conduit à l’école pour qu’il puisse s’inscrire et prendre conscience du coût des études, et auprès de sa mère et auprès de ses camarades de classe - car il réussira enfin à retourner à l’école.

Cependant, il ne s’agit nullement d’un film misérabiliste ni moralisateur. Le réalisateur a bien conscience qu’il tourne un documentaire et qu’il est de son devoir de montrer la réalité telle qu’elle est sans la trahir. Il envisage, maintenant que le film est tourné et distribué, d’organiser une cagnotte pour que le village et la mine puissent obtenir des outils nouveaux, voire un compte en banque pour Opio pour quand il sera grand.

Si tu es un homme est un constat et un hommage à ces millions d’enfants exploités, africains et asiatiques, et le titre dit bien ce qu’il veut dire puisqu’il leur est interdit de se plaindre. Pourtant, ce n’est pas un film triste parce que l’Afrique garde un courage incroyable, face à la misère et au destin, sans doute grâce à la structure même de la société. "Nous nous sommes juste adaptés aux ombres, au soleil, aux reflets, aux éléments du décor, aux visages, explique Simon Panay. Là où on ne pourrait voir que de la misère, j’ai essayé de transcender le réel et en montrer toute la grâce, la joie".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Si tu es un homme. Réal, sc, ph, mont : Simon Panay ; mont : Thomas Marchand ; mu : Philippe Fivet (France, 2022, 74 mn). Documentaire.