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Toi non plus tu n’as rien vu (2022)
de Béatrice Pollet
publié le mercredi 8 mars 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 8 mars 2023


 


Toi non plus tu n’as rien vu est une sorte de plaidoyer pour défendre les femmes qui se retrouvent accusées d’infanticides à la suite de leur déni de grossesse.
Le premier plan du film montre Claire, merci de ceux enfants, se jetant en maillot dans sa piscine. Elle est à 8 mois et demi de grossesse et personne ne voit rien. Quelques jours plus tard, pourtant, elle accouchera.


 


 


 

S’il y a nombre de films sur la grossesse, ce sujet particulier du déni est grave, pas franchement glamour, et présente la particularité d’avoir été très rarement abordé au cinéma (1). Le déni de grossesse, donc de maternité, que personne ne comprend vraiment et qui constitue un vrai mystère à la fois médical et social, ne peut qu’attirer des haines et des rancœurs. D’ailleurs la plupart des femmes qui en ont été victimes ont, dans un premier temps du moins, été arrêtées, suspectées, emprisonnées et jugées, ce qui semble particulièrement injuste.


 


 


 

D’où l’idée, peut-être la nécessité, de donner au film l’allure d’une enquête policière doublée de débats houleux au tribunal. C’est le choix de Béatrice Pollet, diplômée de l’École Louis-Lumière, dont c’est le deuxième long-métrage. Elle dit qu’elle a mis longtemps à écrire son scénario en se basant sur une histoire vraie, et qu’elle l’a écrite avec l’aide d’avocats, de psychologues et de médecins gynécologues. Du coup, certains pourraient lui reprocher de ressusciter le cinéaste tant décrié, André Cayatte, qui faisait du cinéma judiciaire.


 


 

Le fait d’avoir choisi le réquisitoire, pour traiter ce sujet, lui enlève un peu de sa personnalité, et les zones d’ombre demeurent. Par exemple, au cours du procès, la Défense présente des radios qui ont faites de la parturiente, et l’on voit nettement un fœtus collé à la colonne vertébrale. Pourquoi le radiologue n’a-t-il rien dit ? Ou bien pourquoi, après avoir accouché seule dans sa cuisine, Claire a-t-elle placé le bébé sur le couvercle de la poubelle directement dans la rue ? "Le déni de grossesse traduit une fragilité psychologique que l’on ignore. Mais au lieu d’admettre qu’on ne sait pas, on préfère juger" dit Béatrice Pollet. En fait, en croyant agir ainsi pour la défense de la vérité (et peut-être éviter d’être attaquée), il semble que la cinéaste n’a fait que bloquer son propre imaginaire.


 


 


 

Le film est servi par un casting parfait : Maud Wyler dans le rôle de la mère accusée, Géraldine Nakache en avocate combative et amie de la famille, Fanny Cottençon en belle-mère tendre et compréhensive et Grégoire Colin dans le rôle du mari qui, peu à peu, comprend et accepte ce grand mystère du déni.


 


 


 

Mais il se transforme très vite en un simple film féministe. Si, en tant que tel, il est très efficace, sans blabla et avec un pathos très maîtrisé, il demeure une sorte de énième téléfilm de la catégorie, alors que Béatrice Pollet aurait eu sans doute le talent d’aller beaucoup plus loin.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

1. On peut noter toutefois le téléfilm : L’Enfant que je n’attendais pas de Bruno Garcia (2019).


Toi non plus tu n’as rien vu. Réal, sc : Béatrice Pollet ; ph : Georges Lechaptois ; mont : Loïc Lallemand. Int : Maud Wyler, Géraldine Nakache, Grégoire Colin, Roman Kolinka, Fanny Cottençon, Pascal Demolon, Ophélia Kolb, Fatima Adoum (France, 20022, 93 mn).



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