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Host (the) (2006)
de Bong Joon-ho
publié le mercredi 8 mars 2023

par René Prédal
Jeune Cinéma n°306-307, décembre 2006

Sélection de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2006

Sorties les mercredis 22 novembre 2006 et 8 mars 2023


 


S’il fallait remonter dans la lignée du mixage cinématographique entre comique et fantastique, on trouverait d’abord la série américaine Abbott and Costello Meet Frankenstein (1), puis, successivement, toutes les créatures de l’épouvante dans les années 1940-1950. La "recette" de Bong Joon-ho consiste en effet à lâcher des personnages burlesques dans une science-fiction classique, type Godzilla selon l’esprit "série B" qui permet toutes les audaces.


 

Mais le cinéaste coréen ayant une autre envergure que les tâcherons d’outre-Atlantique il y a soixante ans, son humour se révèle bien plus subtil que le pastiche hollywoodien des Deux Nigauds, le scénario de The Host se teinte d’une féroce critique politico-sociale, et le brio de la mise en scène réconcilie à la fois cinéphiles et fans du film de terreur dans ce grand film populaire au suspense haletant, aux ingénieux rebondissements et au récit rapide d’une fluidité élégante.


 


 

Bong Joon-ho excelle à combiner émotion et spectacle comme tragique, effets spéciaux et comédie de mœurs en conservant la distance nécessaire au divertissement. Tout ça, c’est du cinéma, on nous le rappelle constamment et cette maîtrise d’une réalisation qui s’amuse à nous faire peur est particulièrement jubilatoire. Il faut sauver la petite Hyun-Seo emportée par un monstre mutant, gluant, parfois voltigeant au-dessus du fleuve Han, mais à la démarche balourde et à la gueule vaginale, qui dévore ses proies avant de vomir leurs os dans les égouts de Séoul. C’est la Belle retenue prisonnière dans l’antre de la Bête, la baleine de Jonas avalant toutes vives les créatures que le père viendra extraire de sa main. Mais la quête initiatique, le mythe et la grandiloquence d’opéra sont systématiquement contestés par la dérision.


 


 

Ainsi ce calmar géant rappelle-t-il la spécialité culinaire du snack de la première séquence, les hurlements de peine sont plus grotesques que pathétiques, et le sublime du combat par le feu qui aura finalement raison de l’eau est nié par les ratés cocasses de Pieds-Nickelés, qui ne sont pas à la hauteur de la mission de sauveurs de l’humanité qui leur incombe.


 


 

Un vieillard, un débile dormeur, un chômeur ivre et une tireuse à l’arc trop lente : voilà en effet les Chevaliers blancs justiciers composant la famille Park dont les rapports entre eux hésitent constamment entre bouffonnerie et mélodrame. Mais ils réussiront, car les autorités politiques, scientifiques, militaires, sanitaires, policières et médiatiques mises en œuvre sont toutes plus bornées, ignorantes, stupides et inefficaces les unes que les autres. État d’urgence et paranoïa d’une épidémie foudroyante aboutissent au chaos, comme les manifestations écologistes ajoutent à la panique générale.


 


 

Le summum sera atteint avec les troupes d’intervention de la puissance tutélaire américaine. En fait responsables de la catastrophe - le pré-générique nous apprend que ce sont eux qui ont pollué la rivière et qu’il s’agit là d’un fait divers réel des années 1950 -, les États-Unis voudront tester, pour la première fois en vraie grandeur, sur les civils coréens des fumées jaunes toxiques mises au point par l’armée.


 

Horreur ? Enfin, pas tout-à-fait, car les clownesques équipes médicales de prévention, dont les tâches signalent à tout coup dans la foule en mouvement l’imminence de quelque gag savoureux, sont aussi en cirés jaunes.

René Prédal
Jeune Cinéma n°306-307, décembre 2006

1. Deux Nigauds contre Frankenstein (Abbott and Costello Meet Frankenstein) de Charles T. Barton (1948).


The Host (Gwoemul). Réal : Bong Joon-ho ; sc : B.J.h., Hah Joon-won & Baek Chul-hyun ; ph : Kim Hyun-goo ; mont : Kim Sun-min ; mu : Lee Byeong-woo. Int : Song Kang-ho, Byun Hee-bong, Park Hae-il, Bae Doo-na, Ko A-sung (Corée, 2006, 119 mn).



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