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JC n°420-421 - mars 2023

publié le jeudi 9 mars 2023

Couverture : Julien Poulin, Elvis Gratton2 : Le Retour d’Elvis Wong (Pierre Falardeau, 2004)

Quatrième de couverture : Delphine Seyrig, Muriel ou le Temps d’un retour (Alain Resnais, 1963)

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ÉDITO JC n°420-421, mars 2023

 

Comment éviter que chaque numéro ne s’ouvre sur une note funèbre ? (1) Après un dernier trimestre 2022 qui a vu disparaître Jean-Luc Godard, William Klein, Jean-Marie Straub, Alain Tanner, en quelques jours ce sont trois nouveaux réalisateurs, Paul Vecchiali, Carlos Saura et Michel Deville, qui ont effectué leur clap de fin.
Chacun avait débuté dans les années 1960, chacun a signé plusieurs dizaines de films et les deux premiers n’avaient toujours pas posé leur caméra - et on regrette fort que le troisième ait dû jeter l’éponge en 2005, car son ultime Un fil à la patte, bien que mal reçu, prouvait qu’il n’avait rien perdu de sa maîtrise ni de son brio.

Paul Vecchiali, la revue l’a longtemps suivi d’un œil souvent amical, parfois critique, au moins tant que ses films ont été accessibles. Depuis son repli sur ses terres, le recours à un système de production artisanal et à une distribution confidentielle ont distendu le lien. Pour avoir vu tous ses titres des vingt dernières années, reconnaissons que nous n’y retrouvions pas - sauf exception, comme Nuits blanches sur la jetée (2014) -, les fulgurances anciennes de Femmes femmes (1974) ou de En haut des marches (1983). Il n’empêche : il y a un univers Vecchiali, avec ses beautés, ses clichés, son intelligence et ses faiblesses. En bref, un auteur, et ils ne sont pas si nombreux.

Carlos Saura fut pour nous, entre 1960 avec Los golfos et 1981 avec Vivre vite, le réalisateur espagnol, un Buñuel de l’intérieur, prouvant que, même sous la dictature franquiste, une flamme pouvait subsister. Nous l’avons moins fréquenté ensuite, lorsqu’il s’est consacré à des ouvrages sur la musique traditionnelle, flamenco, tango, fado - à tort sans doute, car nous avons ainsi raté Goya à Bordeaux (1999) ou Buñuel et la Table du roi Salomon (2001), qui, peut-être… Mais demeure intact le souvenir ébloui de Peppermint frappé (1967), de Anna et les loups (1973), ou de Cria cuervos (1976), parmi dix autres titres. Et le regret de n’avoir pas résisté lorsque la critique qui fait l’opinion ne s’est plus intéressée à ses films. Reste une œuvre à redécouvrir et elles ne sont pas si nombreuses. (2)

Quant à Michel Deville, c’était un cinéaste vif-argent, toujours surprenant, capable d’aborder tous les genres en les distordant et passant de l’un à l’autre sans faillir, faisant de chaque film une expérience neuve. D’où le reproche de "caméléonisme", un auteur véritable devant fournir des produits griffés, reconnaissables. Or rien apparemment de commun entre la narration kaléidoscopique du Dossier 51 (1978) et la mélodie simple du Voyage en douce (1980), la mise en abyme du Paltoquet (1986) et la virée fantastique de La Petite Bande (1982). Michel Deville a pâti de cette volonté de ne pas être catalogué, de toujours choisir la forme la mieux adaptée à son propos. Il laisse une œuvre toute d’élégance, et elles ne sont pas si nombreuses. (3)

L’élégance et l’humour détaché ne sont pas vraiment les caractéristiques des films nommés aux César et on ne saura que dans quelques jours quels sont les lauréats de l’année. Il est trop tôt pour commenter la vox professionalium, mais l’accession aux plus hauts sommets, après le prix Louis-Delluc et celui du Syndicat de la Critique, de Pacifiction de Albert Serra (2022) nous donne à penser que l’apothéose de Jeanne Dielman (1975) n’était pas un accident et que les amateurs de cinéma à l’ancienne vont connaître des jours dépourvus d’agrément.

Il leur restera au moins, à ces amateurs, la lecture de ce dernier numéro d’hiver. Il n’y a pas que Steven Spielberg dans la vie, même si The Fabelmans est à la hauteur de l’attente : Jean Grémillon, Andrzej Wajda, Jean Seberg, Alain Resnais, sans compter des noms quasi inconnus tels Sadao Yamanada, Pierre Falardeau ou Montgomery Tully, il y a là de quoi faire quelques découvertes au coin de l’âtre.

Sans oublier le regard sur le cinéma qui se fait, celui de Michale Boganim, réalisatrice concernée (on ne dit plus "engagée") - en attendant les premiers échos du cinéma français pré-cannois dans notre n°422.

Même en étirant à l’extrême notre pagination, l’espace a manqué pour aborder d’autres sujets qui nous tiennent à cœur. Ainsi le coffret édité par Doriane Films, hors tout cérémonial anniversaire - titre complet : Sur les soulèvements populaires de 1968 en France, Italie et Espagne -, et qui ne se contente pas d’évoquer avec la nostalgie d’usage notre joli mai, mais revient sur les luttes espagnoles des années 1966-1974, et sur les militants italiens réfugiés en France à l’époque. Tout ceci avec une kyrielle de témoignages (celui, par exemple, des "filles de mai") qui échappent au ronronnement. Impossible de traiter en deux pages une telle mine et nous y reviendrons le printemps venu.
Ainsi que sur le remarquable coffret de la collection "Phares" consacré à Jacques Vaché et qui s’inscrira dans la rubrique Surréalisme & Cinéma jadis tenue par Robert Grélier.

Muriel ou le Temps d’un retour n’a pas l’honneur d’être classé dans les plus grands films de l’Histoire, mais s’il en existe un qui n’en finira jamais de nous passionner, c’est bien celui de Alain Resnais. Le bruit court qu’une exposition pourrait être montée à Boulogne-sur-Mer pour célébrer son tournage là-bas, il y a 61 ans, souhaitons que la rumeur se confirme. Delphine Seyrig, quant à elle, n’a jamais quitté notre actualité et Sois belle et tais-toi, l’étonnant documentaire qu’elle a tourné en 1976, est de nouveau visible. Lui offrir notre verso de couverture était bien le moindre des remerciements.

Lucien Logette

1. Ne trouve pas étrange, homme du monde, artiste
Qui que tu sois, de voir par un portail si triste
S’ouvrir fatalement ce volume nouveau.

"La Comédie de la mort", Théophile Gauthier, Poésies complètes, Bartillat, 2022.

2. On pourra la retrouver à partir du 5 avril 2023, à travers onze films réédités par Tamasa.

3. Tout ce que Jeune Cinéma a publié sur ces trois cinéastes est sur le site de la revue.



 

SOMMAIRE JC n°420-421, mars 2023

 

Entretien
 

* Rencontre avec Michale Boganim, par Gisèle Breteau Skira.

* Tel Aviv-Beyrouth, par Jean-Max Méjean.

Festivals
 

* Festival Lumière, Lyon 2022.
I. Impressions festivalières, par Philippe Roger.
II. Une balade cinéphile, par Frédéric Gavelle.

* Festival Chéries-Chéris, Paris 2022, par Nicole Gabriel.

* Arras Film Festival 2022, par Alain Souché.

Du monde entier
 

* Une redécouverte, Binka Jeliazkova, par Nicole Gabriel.

* Pierre Falardeau, par Anita Lindskog.

* Rétrospective Mani Kaul, par Nicole Gabriel.

Patrimoine
 

* Jean Grémillon :
L’œuvre au noir de Jean Grémillon 2, par Philippe Roger.
À propos de Remorques, par Nicolas Villodre.

* Purgatorio, épisode 2 : L’ambition de la modestie, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.

* Sadao Yamanaka, par Andrea Grunert.

* Le destin malheureux de Jean Seberg, par René Prédal.

DVD
 

* Glanures : D’Alexandre Volkoff à Gus Van Sant, par Philippe Roger.

* Olivier Smolders, Exercices spirituels II, par Lucien Logette.

* Tomu Uchida, Le Démon de la chair, par Enrique Seknadje.

Cinéma & Histoire
 

* Danton d’Andrzej Wajda, par Jean-Michel Ropars.

Chercheurs & Curieux
 

* Fabien Loris, un inconnu familier, par Lucien Logette.

Actualités
 

* L’Amitié, par Philippe Roger.

* Domingo et la brume, par Jean-Max Méjean.

* Astrakan, par Hugo Dervisoglou.

* Ailleurs si j’y suis, par Gisèle Breteau Skira.

* Goutte d’or, par Jean-Max Méjean.

* Last Dance, par Nicole Gabriel.

* La Romancière, le film et le heureux hasard, par Enrique Seknadje.

* Italia, le feu, la cendre, par Francis Guermann.

* Pulse, par Jean-Max Méjean.

* Emmett Till, par Bernard Nave.

* Le Bleu du caftan, par Gisèle Breteau Skira.

* Tant que le soleil frappe, par Hugo Dervisoglou.

* Voyages en Italie, par Jean-Max Méjean.

* Un varon, par Nicole Gabriel.

* Trois films de Jeanne Moreau, par Francis Guermann.

Expérimental
 

* Exposition Chris Korda, par Anita Lindskog.

Livres
 

* Christophe Gautier & Natacha Laurent, Raymond Borde. Une autre histoire du cinéma, par Lucien Logette.

* Quentin Tarantino, Cinema Speculation, par Jérôme Fabre.

Divagations
 

* La promesse des choses, par Patrick Saffar.



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