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Eden (l’) (2022)
de Andrés Ramirez Pulido
publié le mercredi 22 mars 2023

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°416, été 2023

Sélection de la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2022

Sortie le mercredi 22 mars 2023


 


Dès le premier plan émanent du film une chaleur poisseuse, une touffeur malodorante. De jeunes garçons à bout de forces sont assis au milieu d’une végétation abondante de plantes grasses et d’arbres géants de la forêt tropicale colombienne. Plus tard des gardes armés les encerclent. On comprend alors qu’ils sont incarcérés dans un centre expérimental pour mineurs où ils suivent de curieuses thérapies de groupe et effectuent des travaux forcés.


 

C’est un soir de beuverie et de prise de drogues dures, qu’Eliu et son ami El Mono tuent un homme et se retrouvent prisonniers de cet endroit étrange où ils doivent restaurer une hacienda. Le traitement infligé à ces jeunes criminels est d’une violence inouïe, plongés en permanence dans la moiteur du climat face à la brutalité et la cruauté de chefs sanguinaires.


 


 

Le film de Andrés Ramirez Pulido raconte une plausible histoire, s’écartant de tout réalisme, mais avec un goût prononcé pour l’esthétisme des images et leur aspect plastique. Il ne s’agit pas pour lui de réaliser un documentaire, mais plutôt un film sensitif, un film d’impressions et de ressentis, pour s’approcher au plus près de son sujet réel cette fois, le traumatisme vécu par les adolescents élevés sans autorité paternelle.


 


 

Le laisser-aller de leurs poses sur les murets de l’hacienda n’explique rien, n’informe pas sur le lieu où ils se trouvent, sauf peut-être à imaginer une prison inventée, à ciel ouvert, où agissent des geôliers en toute illégalité. Les images emmènent vers des territoires inconnus de la pensée où la vie peut parfois malmener, angoisser et fabriquer des lieux inimaginables, lieux invisibles comme le personnage du film, lieux de cauchemar.


 


 

Ces images évoquent l’atmosphère, l’éloignement, la privation, la punition, la culpabilité, le repentir autant de sentiments noyés dans ces paysages ahurissants de beauté et d’inquiétude, d’une extravagante nature en dehors de toute réalité. Le hors champ spatio-temporel désiré par le réalisateur fonctionne dès le premier plan, engloutissant le spectateur dans une vision de fin du monde, parmi les vieilles pousses de plantes qui fermentent dans les flaques d’eau sales et putrides.


 

Intemporel, le lieu comme la vie qui s’y déroule pour ces jeunes gens coupables de meurtre sous l’emprise de la drogue. Les acteurs non-professionnels, rencontrés lors de repérages dans la ville, ont une présence sauvage, leurs attitudes, gestes et expressions sont non-prémédités, emportés dans une sorte d’élan de survie quotidienne. Ce drame a la couleur d’autres, dans les pays corrompus par les mafias de la drogue, où le sauve-qui-peut individuel est la seule issue possible.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°416, été 2023


L’Eden (La jauria). Réal, sc : Andrés Ramirez Pulido ; ph : Batlthazar Lab ; mont : Julie Duclaux & Juliette Kempf ; mu : Pierre Desprats. Int : Jhojan Estiven Jiménez, Maicol Andrés Jiménez, Miguel Viera, Diego Rincon (Colombie-France, 2022, 86 mn).



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