par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sortie le mercredi 12 avril 2023
Thierry Binisti est surtout maintenant un réalisateur de télévision. Mais il a déjà réalisé pour le grand écran L’Outremangeur (2002) et Une bouteille à la mer (2012), deux fictions très personnelles. Aujourd’hui, Le Prix du passage propose une histoire originale, autour des migrants de Calais qui désirent à tout prix passer en Angleterre.
Le film permet à deux mondes hermétiquement séparés de se croiser et de s’allier : celui des migrants et celui des cas sociaux que le néolibéralisme laisse sur la touche. Natacha, 25 ans, jeune mère célibataire, galère pour élever son fils Enzo, 8 ans. Walid, lui, attend de réunir assez d’argent pour payer son passage et celui de son frère vers l’Angleterre. Parce que la première ne peut pas trouver les 2000 euros pour faire réparer sa chaudière et qu’elle vient de se faire renvoyer du bar où elle travaillait, ils improvisent ensemble une filière artisanale de passages clandestins.
La scénariste Sophie Gueydon a beaucoup travaillé avec les associations locales et a noué des liens avec les migrants rencontrés. C’est à partir de son propre vécu que le film a été écrit et réalisé, bien qu’il ait fallu réactualiser le récit après le démantèlement de la jungle. Sur cette trame familière, Thierry Binisti à tissé une histoire singulière, pleine de rebondissements et d’invraisemblances qui s’acceptent facilement, si l’on considère ce film comme une fable, un conte d’amour.
En acceptant ce qu’elle appelle pompeusement ce deal, la jeune Natacha, à qui Alice Isaaz prête son visage et sa colère non feinte, va découvrir un monde de solidarité auquel elle ne prêtait pas attention jusque-là, trop prise par ses problèmes d’argent et de famille, entre son ex qui la surveille encore de près, sa mère un peu intrusive et son jeune fils qu’elle voudrait pouvoir choyer et bien élever.
Le réalisateur évite astucieusement de faire de son film une histoire avec happy end, car, même si l’on sent une attirance, voire même une sorte d’amour entre les deux personnages que tout sépare mais que leur activité clandestine réunit, il ne franchit nullement le pas. Lorsque Natacha partira avec son fils retrouver la Sicile dont elle rêve, elle contactera Walid depuis le bateau pour lui montrer sur son portable la Méditerranée, alors qu’il est enfin en sécurité, grâce à elle, dans sa famille à Londres. Un beau film, bien dirigé, bien éclairé et sans affèteries qui nous permet de croire encore un peu à l’humanité.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Le Prix du passage. Réal : Thierry Binisti ; sc : Sophie Gueydon & Pierre Chosson ; ph : Martin Rit ; mont : Jean-Paul Husson ; mu : Karim Baggili ; cost : Camille Nogues. Int : Alice Isaaz, Adam Bessa, Carole Franck, Catherine Salée, Ilan Debrabant (France, 2022, 100 mn).