JC n°434-435 - mars 2025
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JC n°434-435 - mars 2025

publié le vendredi 14 mars 2025

JC n°434-435, mars 2025

Couverture : From Ground Zero (collectif 2024).

Quatrième de couverture : Bernard Nave (1945-2025)

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ÉDITO JC n°434-435, mars 2025

 

Il n’a pas pu achever l’article promis sur le récent film de Pedro Almodovar, La Chambre d’à côté. Il n’a pas non plus terminé l’étude, qui lui tenait à cœur depuis longtemps, sur l’emploi de la couleur dans les derniers films de Akira Kurosawa. Quant à l’examen détaillé de l’intégrale des films réalisés pour la télévision par Alan Clarke (nous le lui avions suggéré, lui qui avait été le seul critique français à effectuer un entretien avec le cinéaste), il est resté en projet (1). Bernard Nave nous a quittés le 23 février 2025.

Jeune Cinéma perd un de ses piliers, un des derniers à avoir travaillé avec ses fondateurs. C’était, René Prédal restant hors concours, le plus ancien rédacteur de la revue : son premier article parut en juin 1974, dans le n°79, son ultime dans le n° 431-432 d’octobre 2024. Cinquante années durant lesquelles son nom n’a pas cessé de figurer dans nos sommaires. En tout, six cent trente-huit participations, analyses, textes, notes, entretiens. Des entretiens qu’il menait avec une aisance que nous avions pu apprécier, lors de notre rencontre commune avec Monte Hellman (2). Sa pratique de l’anglais (il était agrégé et fit toute sa carrière au lycée), lui facilitait certes l’approche, mais tout résidait dans sa perspicacité, son savoir, sa finesse à poser les questions qui permettraient à son interlocuteur de se dévoiler pleinement. Il en fut ainsi, entre vingt autres, avec Ken Loach, Mike Leigh, Peter Watkins ou D.A. Pennebaker.

Sérieux et solide, telles étaient ses qualités premières. On y ajoutera la curiosité (le cinéma anglo-saxon n’était pas son seul terrain), la passion et l’enthousiasme, un enthousiasme qu’il sut transmettre à ses élèves des classes de cinéma audiovisuel, à travers son enseignement pratique (chaque année, un film était réalisé par la classe), et les ciné-clubs dont il fut un animateur fervent - il fut le dernier président de la Fédération Jean-Vigo, dans sa période la plus difficile. À la différence de Heike Hurst (3), ou de Bernard Chardère (4), il ne nous a pas laissé d’inédits. Donc, pas de textes de Bernard Nave dans les futurs numéros. Mais nous ne manquerons pas de lui rendre hommage, de façon anthologique, comme à quelques-uns des grands disparus de la revue. Et il n’est pas près de s’effacer de notre souvenir. Comme l’a écrit un de nos rédacteurs, "Sorry, we’ll miss you, Bernard".

Un des derniers films qu’il vit en salle fut A Perfect Unknown et il nous avait confié le plaisir éprouvé, en vieil amateur de Bob Dylan (5). Il est vrai que James Mangold a signé là une des recréations d’une époque parmi les plus remarquables que l’on ait vues, sans égale parmi tous les biopics qui nous envahissent, et que Timothée Chalamet s’est glissé dans la peau de l’icône de façon éblouissante. Le déferlement critique a été si consensuel que nous avons considéré inutile d’ajouter notre pierre à ce mur d’éloges. Mais il y a bien longtemps (depuis Emilia Perez, sans doute) qu’un film ne nous avait embarqué de manière aussi puissante.

Le cinéma est donc encore capable de nous transporter. Jusqu’à quand ? Les cérémonies se succèdent, Golden Globes, César, Oscars, célébrations d’un spectacle qui tente de nous faire oublier que nous sommes au seuil d’un monde qui vacille, où le risque de devoir transformer l’appellation de "Seconde" Guerre mondiale en "Deuxième" est désormais envisageable. De quel poids pèsera-t-il, cet art qui a pour nous tant compté, contre la face obscure de la Force ? La suite au prochain numéro, comme écrivaient jadis les feuilletonnistes.

En attendant l’écran noir, ce premier numéro de printemps s’affiche dans le courant des précédents, en promouvant ce qu’on ne trouve pas ailleurs. Dans la série des entretiens avec des cinéastes négligés par les projecteurs, après Damien Faure, dont Pyramiden vient d’être édité en DVD, voici Mika’Ela Fisher et L’Air de la montagne - pour tous et pour personne, projeté parcimonieusement dans une salle parisienne et qui vaut pourtant bien d’autres titres, moins étonnants mais mieux soutenus. Tous ses spectateurs, bien que trop peu nombreux, peuvent en témoigner. Si Jeune Cinéma ne s’y intéresse pas, qui le fera ?
De même pour Kihachi Okamoto, dont l’hommage organisé par la Maison du Japon à Paris ces deux derniers mois, n’a éveillé que peu d’échos dans une presse trop occupée ailleurs, par la disparition de David Lynch ou les errements anciens de Karla Sofia Gascon. On découvrira plus loin le second volet de la seule étude jamais parue consacrée au "John Ford japonais". Quant aux autres sujets abordés, Ghassan Salhab, Edmond Bernhard, Francis Lacassin, Richard Dindo, les Siritzky, Bernard Martinand et Madame Hanako, la revue peut se flatter de ne pas suivre le mainstream. Laissons d’autres périodiques s’en charger, qui le feront mieux que nous.

Une constatation : la presque totalité des lauréats des différents palmarès évoqués plus haut faisait partie de la sélection cannoise 2024. En sera-t-il de même pour les futurs vainqueurs de l’hiver 2026 ? Indications dans le numéro 436, qui paraîtra quelques jours avant le début du Festival et dans lequel on dira tout sur ce qui y sera présenté. De temps en temps, Jeune Cinéma se rapproche des projecteurs.

Lucien Logette

P.S. Rappelons que tout ce qui ne trouve pas sa place dans le revue la trouve sur le site, vitrine indispensable, dont la bonne santé laisse prévoir un avenir assurément plus solide que celui du papier.

1. Un projet qu’il conviendra de reprendre, car cette partie inconnue de l’œuvre de Alan Clarke (1935-1990) prouve qu’il s’agit d’un grand réalisateur - entre autres, son Baal (1982) avec David Bowie mériterait d’être redécouvert.

2. "Rencontre avec Monte Hellman", Jeune Cinéma n°287, janvier-février 2004.

3. Heike Hurst, Jeune Cinéma n°355, automne 2013.

4. Bernard Chardère. Textes (1964-2023), édition définitive, Jeune Cinéma n° hors série, septembre 2023.

5. Ses obsèques se sont achevées au son de "Knockin’ On Heaven’s Door", la chanson de Bob Dylan pour Pat Garrett and Billy the Kid de Sam Peckinpah (1973).

Lucien Logette

 

SOMMAIRE JC n°434-435, mars 2025

 

 
Entretien
 

* Rencontre avec Mika’Ela fisher, par Nicole Gabriel.

* L’Air de la montagne – pour tous et pour personne, par Nicole Gabriel.

 
Du monde entier
 

* Redécouverte de Ghassan Salhab, par Gisèle Breteau Skira.

 
Festivals
 

* Lumière, Lyon 2024, par Philippe Roger.

* Arras 2024, par Alain Souché.

 
Patrimoine
 

* Kihachi Okamoto II. Subvertir les genres, par Andrea Grunert.

 
Cinéma & Histoire
 

* La Belle Affaire, miroir de l’Histoire allemande au 20e siècle, par Jean-Michel Ropars.

 
Cinéma & peinture
 

* Cézanne à l’écran, par Francis Guermann.

 
Cinéma & business
 

* UGC, une histoire complexe, par Daniel Sauvaget.

* Une famille du cinéma : les Siritzky, par Daniel Sauvaget.

 
Courts métrages
 

* Découverte de Edmond Bernhard, par Lucien Logette.

 
Cinéma & danse
 

* Madame Hanako, vedette du cinéma muet, par Brygida Ochaim & Nicolas Villodre.

* Cinédanse, par Lucien Logette.

 
Cinéma muet
 

* Lumière ! l’aventure continue, par Nicolas Villodre.

* Francis Lacassin, historien nomade, par Lucien Logette.

 
DVD
 

* Chronique de l’hiver 2024, par Jérôme Fabre.

* Les Dames du bois de Boulogne, par Enrique Seknadje.

 
Actualités
 

* Prima la vita, par Jean-Max Méjean.

* La Cache, par Gisèle Breteau Skira.

* Cronos, par Nicole Gabriel.

* To the North, par Jean-Max Méjean.

* L’Échappée belle, par Hugo Dervisoglou.

* Songe, par Sylvie L. Strobel.

* Tardes de Soledad, par Gisèle Breteau Skira.

* Rupestres, par Francis Guermann.

* From Ground Zero, par Nicole Gabriel.

* Queer, par Jean-Max Méjean.

* Le Système Victoria, par Claudine Castel.

 
Livres
 

* Pierre Lherminier & René Prédal, Annales du cinéma français 2. Les voies du parlant 1930-1946, par Philippe Roger.

* "Fellini et les écrivains", par Alexis Leroy.

* Laurent Benyayer & Philippe Sichler, Henri Verneuil, raconteur d’histoires, par Alexis Leroy.

* Sébastien Laoureux & Laurent Van Eynd, Soy Cuba de Mikhaïl Kalatozov, par Nicolas Villodre.

* Jean-Max Méjean, éd., L’Opéra à l’écran, par Nicole Gabriel.

* Rosette, Éric (L’ami Rohmer), par Anita Lindskog.

* Olivier Ludry, Mythologies de Deborah Kerr, par Lucien Logette.

 
Divagations
 

* En attendant Unzen, par Patrick Saffar.

* En mal de peau…, par Nicolas Schmidt.

 
Nécrologies
 

* Bernard Martinand (1939-2024), par Lucien Logette.

* Richard Dindo (1944-2025), par Anne Vignaux-Laurent.

 
Humeur
 

* Le printemps et l’hiver du cinéphile, par Bernard Chardère.

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