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Blue Jean (2022)
de Georgia Oakley
publié le mercredi 19 avril 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 19 avril 2023


 


Pour son premier long métrage, Georgia Oakley a choisi un sujet difficile. Après avoir découvert les ravages engendrés par la Section 28, un ensemble de lois prohibant, en 1980, la promotion de l’homosexualité au Royaume-Uni par le gouvernement Thatcher et encore valable au début des années 2000, elle a écrit un scénario, soutenue par Hélène Sifre, productrice française installée à Londres, et qui a fait aussi son coming out récemment. La réalisatrice, alors à l’école primaire, ne connaissait pas cette loi discriminatoire, combattue notamment par un groupe d’homosexuelles qui avaient réussi à descendre en rappel dans la Chambre des Lords pour manifester leur opposition.


 


 

Son film raconte donc l’histoire d’une jeune professeure d’éducation physique et sportive qui ne veut pas s’avouer homosexuelle auprès de ses collègues et de ses élèves et qui le vit très mal. Elle risque de perdre son travail si on découvre qu’elle préfère les femmes. Georgia Oakley raconte donc l’itinéraire de Jean jusqu’à l’acceptation complète de sa sexualité, dépeint le monde de l’enseignement et, en parallèle, celui de la nuit et des associations en marge qui luttaient contre cette loi discriminatoire.


 


 

Très éloigné des kitchen sink drama des années 1950 (1) et de leur réalisme social, Blue Jean se présente comme un film militant, ce qui en fait à la fois sa force et sa faiblesse, car cette volonté d’imposer un mode de vie se fait parfois au détriment d’une certaine véracité.


 


 

La reconstitution de l’époque est juste, avec des décors et une image de cinéma argentique signée par un chef opérateur français, Victor Séguin. Et les actrices sont remarquables, tout autant Rosy McEwen, dans le rôle-titre, avec son air de Jean Seberg, que Kerrie Hayes dans celui de Viv, sa petite amie - avec une mention toute particulière à Lucy Halliday pour sa prestation de Lois, l’élève à la fois fragile et combative qui émeut toute la communauté scolaire.


 


 

Le film est inclassable. Tendre par moments, mais manquant parfois de psychologie - il est rare que, dans la vraie vie, certaines opinions émises soient aussi tranchées. Il laisse peu de place aussi à l’imaginaire des spectateurs et leur ôte même le minimum d’interaction avec ce que la réalisatrice, également scénariste, nous raconte.


 


 

Ainsi Rosy McEwen juge le personnage qu’elle incarne, en lui prêtant des intentions qu’elle n’a peut-être pas : "Jean fait des erreurs parce qu’elle est terrifiée, et elle est convaincue que c’est la seule façon de maintenir l’équilibre fragile qu’elle a mis en place. Parfois, elle est amenée à faire de mauvaises choses pour les bonnes raisons".


 

Bonnes choses, mauvaises choses, le manichéisme est à l’œuvre, alors que l’anti-héroïne ne cherche qu’à survivre dans ce monde thatchérien et se débat pour y parvenir. Et la fin du film semble d’un militantisme un peu plaqué, au vu de la soudaine évolution du personnage principal, que l’on comprend mal.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Pour illustrer sa définition du kitchen sink drama (littéralement "drame de l’évier de cuisine"), le British Film Institute met en exergue une photo du film de Tony Richardson, The Loneliness of the Long Distance Runner (1962).


Blue Jean. Réal, sc : Georgia Oakley ; ph : Victor Séguin ; mont : Izabella Curry ; mu : Chris Roe Int : Rosy McEwen, Kerrie Hayes, Lucy Halliday, Lydia Page, Becky Lindsay (Grande-Bretagne, 2022, 97 mn).



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