"Sale, difficile et dangereux", le titre du film de Wissam Charaf, en dit long. Et pourtant, il s’agit d’un film d’amour, entre deux personnes méprisées, dans un Beyrouth ruiné : une jeune domestique, venue d’Éthiopie, exploitée par une famille bourgeoise et un jeune Syrien réfugié, de bonne famille, mendiant dans les rues pour survivre.

Mehdia est une jeune employée de maison chez M. Ibrahim, qui regarde en boucle Nosferatu le vampire sur sa télé portative, et dont elle doit supporter le poids et les attouchements libidineux.

Ahmed est un jeune et beau réfugié syrien, condamné à quémander de la ferraille au long des rues. Mehdia accompagne M. Ibrahim hors de chez lui, alors que retentit la litanie d’Ahmed (blessé par une bombe en Syrie, comme le réalisateur en Palestine) : "Fer, cuivre, piles".

Ces deux exclus vont s’aimer d’un amour profond, tel des amants shakespeariens, qui va les conduire sur de nombreuses routes et même dans un hôtel de luxe, premier prix d’un concours remporté par Mehdia.

C’est un film étonnant à tous les sens du terme, très intelligemment conçu. Wissam Charaf ne se gêne pas pour dénoncer "l’exploitation de l’homme par l’homme" au Liban, ainsi que les horreurs de la guerre. Dans un pays où la monnaie ne vaut plus rien, où les rues sont sales et envahies de réfugiés syriens qui ne sont plus les bienvenus, les riches s’enferment dans leurs appartements, où ils exploitent des domestiques philippines et éthiopiennes, importées avec l’accord du gouvernement. Celles-ci, vu l’état du pays, n’ont désormais qu’une envie : récupérer les passeports qu’on leur a confisqués et retourner au pays ou à Dubaï. C’est ce que ce beau film décrit, à la manière d’un conte réaliste-magique : la rencontre entre deux personnes que la misère de leur destin rapproche.

Jamais à leur place, mais toujours côte-à-côte, les amants traversent ce Liban dévasté. "Il y a un tas de choses impossibles au Liban, mais une histoire d’amour entre deux marginaux, un réfugié syrien et une domestique, me semblait vraiment incarner un enjeu. Le "Dirty Difficult Dangerous" du titre, c’est ça : un amour sale, dur et dangereux, parce que complètement interdit", déclare Wassim Charaf.
Le réalisateur, né à Beyrouth en 1973, a tourné Tombé du ciel, présenté au Festival de Cannes 2016 par ACID. Dirty Difficult Dangerous, tourné en partie en Corse, est son deuxième long métrage.

Jean-Max Méjean,
Jeune Cinéma en ligne directe

Dirty Difficult Dangerous. Réal : Wissam Charaf ; sc : W.C., Hala Dabaji & Mariette Désert ; ph : Martin Rit ; mont : Clémence Diard. Int : Clara Couturet, Ziad Jallad, Rifaat Tarabay, Darina Al Joundi (Liban-France 2022, 83 mn).