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Binh, N.T. & Figasso, Jean-Paul (livre)
Écrire par l’image (2019)
publié le mardi 25 octobre 2022

par Robert Grélier
Jeune Cinéma n° 402-403, octobre 2020

N. T. Binh & Jean-Paul Figasso éds, Écrire par l’image. Directeurs et directrices de la photo, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2019.


 


S’entretenir avec onze chefs opérateurs (Yorgos Arvanitis, Lubomir Bakchev, Yves Cape, Caroline Champetier, Éric Gautier, Pierre-William Glenn, Agnès Godard, Jeanne Lapoirie, Pierre Lhomme, Claire Mathon, Charlie Van Damme) de différentes générations ouvre le panorama synoptique d’une profession quelque peu oubliée par la critique, dans la mesure où "la politique des auteurs" a surtout privilégié les réalisateurs, négligeant au passage les scénaristes.

Le chef opérateur est à la fois un interprète et un exécutant. La plupart d’entre eux s’attachent à effacer la dichotomie entre le professionnel et l’interprète. "On interprète le film avec les outils que nous avons à notre disposition. Nous ne sommes pas des techniciens, mais des interprètes", déclare Charlie Van Damme. Comme les musiciens qui ont un rapport ténu avec leur instrument, qui change d’un maître à un autre, le chef opérateur est très souvent placé dans la même situation. Dans tous les cas, il s’agit d’une harmonie entre le réalisateur et l’homme de l’image. C’est d’autant plus complexe que les exigences varient d’un metteur en scène à un autre, que les comédiens eux-mêmes, ne sont pas si malléables qu’on veut bien le dire. Alain Resnais affirmait : "Quatre-vingts pour cent de la direction d’acteurs, c’est le choix de l’acteur lui-même".

Selon les personnes et les générations, le chef opérateur règle parfois le cadre, mais il peut également se préoccuper des lumières. Technicien au statut complexe et paradoxal, le directeur de la photo n’est jamais un créateur. De ce fait, il ne perçoit aucun droit d’auteur afférent à sa fonction. C’est un métier qui s’apprend dans les écoles spécialisées (Louis Lumière, Insas ou Fémis), mais dont le diplôme ne permet jamais d’accéder au titre de directeur de la photo. C’est seulement en occupant, étape par étape, les différents postes d’assistanat que l’on devient le bras droit du metteur en scène. Ensuite, on apprend sur le lieu de travail, car il n’y a pas deux tournages semblables.

Avant d’entreprendre cette confrontation qui dura plusieurs années les deux auteurs de Écrire par l’image ont suffisamment bien préparé leurs entretiens, en prenant connaissance des filmographies et des films auxquels chacun avait collaboré, pour brosser le tableau générique si particulier d’une profession.
Chaque personne interrogée résume sa formation, son apprentissage et ses méthodes de travail. Ces onze femmes et hommes témoignent tous d’une grande modestie. Jamais ils ne paraphrasent l’œuvre dont ils parlent, ne voulant pas alimenter les polémiques ou la publicité susceptibles de compromettre leurs dires. Certains, qui ont bénéficié de l’enseignement de la prise de vues et de la mise en scène de Ghislain Cloquet à l’Insas, parlent du bonheur d’avoir pu réunir ces deux formations dans leur cursus.

Dans les méthodes de travail sont abordées aussi bien la question de l’affranchissement de la lumière grâce à un nouveau matériel (pellicule et numérique) que celle de l’intuition. Celle-ci "joue beaucoup sur le scénario que vous lisez, dit Pierre-William Glenn, qui ajoute : "Très peu de metteurs en scène, en France, sont des gens visuels ; ils écrivent des histoires". Pour Yorgos Arvanitis, "la lumière reflète le caractère de chaque pays". Le cinéma, comme la musique, s’appuie sur la gestion du temps et du rythme. Il n’est pas seulement image.
Tous ont d’abord travaillé en argentique et sont aujourd’hui confrontés au numérique, qui comme le dit Éric Gautier : "Ce n’est pas une révolution, ce n’est qu’une évolution technologique".

Par la somme et la richesse de ces témoignages originaux, Écrire par l’image s’apparente à onze master class, destinées aussi bien à des étudiants qu’à des cinéphiles et des critiques.
Robert Grélier
Jeune Cinéma n°402-403, octobre 2020


N.T. Binh & Jean-Paul Figasso, éds, Écrire par l’imag. Directeurs et directrices de la photo, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, coll. Caméras subjectives, 2019, 288 p.



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