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Carré, Marion & Schmite, Valentin (livre)
Propos sur l’art et l’intelligence artificielle (2020)
publié le samedi 6 mai 2023

par Robert Grélier
Jeune Cinéma n°402-403, octobre 2020

Marion Carré & Valentin Schmite, Propos sur l’art et l’intelligence artificielle, Arles, éd. L’art-dit, 2020.


 


En Avignon, en juillet 2019, deux intellectuels, Marion Carré et Valentin Schmite, dialoguent sur les rapports naissants entre l’art et l’intelligence artificielle. Celle-ci et la culture agissent comme un révélateur l’une vis-à-vis de l’autre et sont appelées à se confronter de plus en plus.

L’écriture cinématographique obéit à des règles d’unité, de temps et de lieu. Même dans l’improvisation, contrairement à l’opinion répandue, il existe un certain nombre de paramètres à respecter. Le chercheur Herbert Simon estimait que : "La créativité n’était rien d’autre que la résolution de problèmes". Les algorithmes, quant à eux, fonctionnent d’une façon quasi semblable. Il s’agit d’écrire des lignes de codes en suivant certaines règles préalablement édictées pour aboutir à un résultat, dont le but est un scénario de film.
Autre avantage, l’algorithme entre dans la diffusion de l’œuvre. La question importante est de savoir si l’intelligence artificielle peut créer comme n’importe quel humain. Inutile de préciser que dans ce cas, c’est la mort des scénaristes, mais également celles des distributeurs. En effet les Netflix et autres marchands de séries - comme The Defenders () -, se sont engouffrés dans l’utilisation à tout va de l’intelligence artificielle.

Ici, les personnages ont été élaborés pour correspondre aux affinités de personnes partageant les mêmes goûts, détectées et identifiées par leurs consommations via Internet. Après avoir engrangé dans leur machine toutes les informations propres aux résultats des derniers films, ainsi que tous les paramètres : récits, personnages, lieux et, pour la diffusion, quelle époque est la plus propice, sans oublier d’étudier la météo... En confiant les données collectées, il est alors possible de prédire si tel projet est viable et combien il rapportera. Pour optimiser les chances de succès, on pourra même in fine retravailler le titre du film.
Si vous achetez un DVD sur un site Internet, celui-ci vous en recommande d’autres, qui, d’après le commerçant en ligne, correspondent à vos goûts. À partir d‘un certain moment, le choix n’est plus possible, et si vous ne résistez pas, vous êtes condamné à demeurer dans un même genre. L’algorithme d’Amazon, pour ne citer que lui, pense à votre place. Et vous voilà embarqué dans la frénésie des achats compulsifs.

Certes, on sera en mesure de produire des œuvres, si l’on peut encore employer ce mot, mais n’oublions pas qu’il faudra toujours quelques humains pour coder et introduire des données dans les machines, car jusqu’à preuve du contraire, celles-ci, malgré tous les perfectionnements à venir, ne seront jamais capables d’innover, d’inventer. L’originalité, on ne la trouvera en aucun cas dans les algorithmes. Il est temps de réagir et de s’insurger, si nous ne voulons pas voir disparaître les Ingmar Bergman, Alain Resnais, Chris Marker, Andreï Tarkovski de demain, et ne voir en salles que des films extraits de séries concoctées par l’intelligence artificielle.

Robert Grélier
Jeune Cinéma n°402-403, octobre 2020

1. Marvel’s The Defenders, mini-série américaine créée par Douglas Petrie & Marco Ramirez, a été mise en ligne le 18 août 2017 sur Netflix.


Marion Carré & Valentin Schmite, Propos sur l’art et l’intelligence artificielle - Artiste en devenir, Arles, éd. L’art-dit, coll. Papotages entre amis autour d’une œuvre, 2020, 60 p.



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