Adapté du livre de Alain Layrac, Atelier d’écriture : Cinquante conseils pour réussir son scénario sans rater sa vie, le dernier film de Frédéric Sojcher est une réussite qui sait allier l’émotion et le professionnalisme d’un homme de cinéma et d’enseignement. Pourtant, à l’origine, le projet ne semblait pas possible : Frédéric Sojcher a travaillé pied à pied avec Alain Layrac pour que ce livre, qui raconte plusieurs pistes d’écriture, devienne un film de fiction, à la fois pédagogique et émouvant. La féminisation du rôle principal a été une bonne initiative et le choix de Agnès Jaoui une idée de génie, non seulement parce qu’elle est elle-même scénariste, entre autres spécialités, mais parce qu’elle a pu organiser de son côté une classe de maître identique à celle-ci, dans les locaux de la CinéFabrique à Lyon, dont ils se sont inspirés.

Noémie, une scénariste de renom, est invitée dans les locaux sublimes (14e siècle) de l’ENSAV de Toulouse pour une journée de formation auprès des étudiants. On devine, au vu de l’effervescence autour de cette arrivée et du comportement du directeur qui l’a invitée, que quelque chose de douloureux est en jeu. Pendant cette journée, Noémie va enseigner l’art du scénario à des étudiants qui sont pris eux-mêmes dans leurs propres histoires d’amour et d’amitié, de jalousie, de tromperie, de trahison. S’il y a certes une méthode d’écriture, il n’y a pas de secret : comme le cours de la vie, le scénario raconte une histoire qui n’est le plus souvent qu’une histoire d’amour plus ou moins compliquée.

Le cours de scénario laisse peu à peu place à un autre récit : l’histoire d’amour, il y vingt ans, entre Noémie et Vincent le directeur de l’école, que Jonathan Zaccaï interprète d’une manière à la fois retenue et passionnée. Entre les deux, la belle-sœur du directeur, Géraldine Nakache, régisseuse de l’école, fait le lien entre les séquences de la masterclass dans l’amphithéâtre et sa captation vidéo.

Frédéric Sojcher a joué habilement à mettre en abyme ce qui est (mal) filmé durant l’intervention, flous, caméra bougée, sons du zoom rajoutés, et les plans fluides des scènes notamment dans la belle cour de l’école. Ajoutez une émouvante histoire d’amour par le biais de lettres retrouvées et enfin décachetées, des extraits de films dont on n’entend que la bande son, la musique de Vladimir Cosma, une bande son extraordinaire.

Et bien sûr des acteurs parfaits, auxquels on peut ajouter les étudiants, jeunes comédiens de la Région Occitanie, mais aussi Stéphane Hénon dans le rôle du restaurateur dont le violon d’Ingres est l’écriture de scénarios, sans oublier Frédéric Sojcher lui-même qui fait une apparition dans la librairie Ombres Blanches, et sa propre fille, Nastasjia, dans le rôle de la fille de Vincent. Et vous obtenez un film à voir et à revoir, qui ne nourrira pas seulement les cinéphiles et les scénaristes, mais les amoureux du monde entier.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°422, mai 2023

Le Cours de la vie. Réal : Frédéric Sojcher ; sc : F.S. & Alain Layrac ; ph : Lubomir Bakchev ; mont : Christophe Pinel ; mu : Vladimir Cosma. Int : Agnès Jaoui, Jonathan Zaccaï, Géraldine Nakache, Stéphane Hénon (France, 2022, 90 mn).