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JC n°422, mai 2023

publié le dimanche 14 mai 2023

Couverture : Vincent Macaigne, Cécile de France, Bonnard Pierre et Marthe (Martin Provost, 2023).

Quatrième de couverture : Jacques Vaché (1895-1919).

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ÉDITO JC n°422, mai 2023

 

Divine surprise ! Le public est de retour dans les salles, qui, dès plus luxueuses (le récent Pathé-Parnasse parisien à 18, 50 € le fauteuil) aux plus humbles, ont retrouvé leur fréquentation de 2019. Embellie durable ou rémission, rien n’est jamais prévisible. L’Annuel du cinéma 2023 nous apprend que, durant l’exercice 2022, vingt-huit films ont dépassé le million d’entrées, contre vingt-quatre en 2021 et treize en 2020, année noire. Certes, les cinquante et un de 2019 sont encore loin, mais les exploitants peuvent se remettre à espérer.
D’autant que les premiers titres présentés dans quelques jours au Festival de Cannes et qui sortiront dans la foulée vont alimenter la machine. Jeanne du Barry s’inscrit dans la frénésie monarchiste qui a saisi la planète - le triomphe de Stéphane Bern ? - et attirera certainement tous ceux qui, trop jeunes pour avoir vu Si Versailles m’était conté (1954), rêvent de visiter la galerie des Glaces comme s’ils étaient encore en 1770.
Revenons sur L’Annuel, indispensable pour connaître les goûts de la critique (la trentaine de rédacteurs constitue un bon échantillon) et ceux du public.
Du côté de la première, après un coup de chapeau au maître d’œuvre, Nicolas Marcadé, qui dresse, avec son brio habituel, le bilan et pose de bonnes questions, tout en ouvrant des perspectives inquiètes, on peut s’interroger sur la bienveillance de l’équipe : parmi les six cent-cinquante-neuf films distribués, quinze sont gratifiés de quatre étoiles (excellents) et deux cent-trente-six de trois (bons). Presque 40% de satisfaction ! Nous n’avons pas l’impression d’avoir connu pareille fête en 2022.
Quant au second, si l’on ne doit pas s’étonner devant les quatorze millions d’entrées obtenues par Avatar 2, les chiffres décrochés par quelques membre éminents du cinéma d’auteur nous interpellent : Bonello, Jacquot, Ozon, Wiseman, Mysius, Serra, Pelechian, les Dardenne, tous réunis, totalisent moins de spectateurs que Les Jeunes Amants de Carine Tardieu, dans lequel il n’y a pourtant ni Dany Boon ni Frank Dubosc. Le problème est sérieux. Qu’un premier film sans renom, par exemple, Falcon Lake de Charlotte Le Bon, fasse trente mille entrées, c’est normal. Mais que Tori et Lokita, des multi palmés Dardenne, plafonne à soixante-dix mille, il y a un bug quelque part. Que se passe-t-il ? Le désir de l’amateur averti se serait évaporé ? La boussole de Télérama détraquée ? Ou, simplement, le public ne va-t-il plus aveuglément vers ce qu’il est censé devoir admirer ?
Pendant dix jours, la planète aura donc les yeux tournés vers Cannes. Avec raison, car, même sans avoir vu tous les films présentés, on peut annoncer une des sélections les plus brillantes depuis longtemps. Martin Scorsese, Aki Kaurismäki, Nanni Moretti, Marco Bellocchio, Wim Wenders, Ken Loach, Nuri Bilge Ceylan, Hirozaku Kore-Eda, Wes Anderson, Todd Haynes : la décade est prodigieuse. Pas un intrus dans cette procession. Et si l’on y ajoute des inconnues comme Kaouther Ben Hania et Ramata-Toulaye Sy, chacune avec un film, à la lettre, extra ordinaire, on peut s’attendre à une compétition mémorable.
Le cinéma français y sera évidemment représenté. Mais quelle que soit la qualité de la sélection hexagonale, nous pouvons craindre qu’elle ne paraisse un peu petit-bras face à des têtes de série aussi redoutables. Il y a pourtant bien des choses intéressantes parmi la production nationale, comme on le verra plus loin.

"L’affaire Corsini" a constitué l’événement d’avant-festival. On devrait même parler de scandale, dans la mesure où, pour la première fois, un film sélectionné s’est vu retiré de la liste par le CA du festival, à la veille de son annonce publique, pour satisfaire une rumeur. Même pas après un dépôt de plainte ou une accusation étayée, uniquement sur une dénonciation anonyme via les réseaux sociaux, selon la bonne vieille pratique de la délation à la vichyssoise, relayée par l’attention complaisante d’une presse peu estimable. L’histoire a fait long feu et Le Retour fut réintégré. Mais que, par ailleurs, une institution comme le CNC, censée défendre le cinéma français, puisse supprimer la subvention attribuée à un film au simple prétexte d’un bruit qui court laisse rêveur sur le pouvoir éhonté de la blogosphère. Le Grand Air de la Calomnie n’est pas près de passer de mode.

Il n’est pas toujours facile de suivre le programme de Cannes Classics, les projections dans la salle Buñuel étant si fréquentées qu’il faut y camper pour conserver sa place. Cette année, les choix sont alléchants : deux rares films de Yasujirō Ozu restaurés, les courts de Man Ray mis en musique par Jim Jarmush, et des titres peu visibles depuis longtemps - Le Village près du ciel de Leopold Lindtberg (1953), La Dame de Constantinople de Judit Elek (1968), Es de Ulrich Schamoni (1966), Le Rendez-vous des quais de Paul Carpita (1953) - tous traités par Jeune Cinéma dans ses années héroïques -, que l’on espère voir ressurgir en DVD.

Au sommaire de ce numéro printanier (le prochain sera estival), la première partie d’un dossier sur le cinéma prolétarien allemand qui brilla de feux oubliés avant que les nazis ne parviennent au pouvoir, le portrait d’un acteur japonais mal connu ici, Yusuke Iseya, Nikolaus Geyrhalter, Jacques Vaché - tout ce que l’on ne trouve pas ailleurs.

Outre les livres chroniqués, on se doit de signaler quelques ouvrages reçus trop tardivement pour être abordés comme ils le méritent, mais que l’on peut recommander sans crainte : la Correspondance entre François Truffaut et Helen Scott (Gallimard, édition de Serge Toubiana), Le Décor de film, de Griffith à Bong Joon-ho, par Jean-Pierre Berthomé (Capricci), et Ma vie avec Bernard Pivot par Noël Herpe (Plein jour). Compte en sera rendu dans le n° 423. D’ici là, place au cinéma.

Lucien Logette
 



 

SOMMAIRE JC n°422, mai 2023

 

Cinéma français
 

* Les films français à Cannes 2023, par Lucien Logette.

 
Festivals
 

* Alès 2023, par Alain Souché.

 
Du monde entier
 

* Yusuke Iseya, portraits de rebelles, par Andrea Grunert.

* L’âge d’or du cinéma mexicain, par Nicole Gabriel.

* Steven Spielberg, back to back, par Bernard Nave.

* Cinéma péruvien à Paris, par Claudine Castel.

 
Documentaires
 

* RÉEL 2023, par Nicole Gabriel.

* Dominique Cabrera, par Francis Guermann.

* Nikolaus Geyrhalter, par Nicole Gabriel.

 
Patrimoine
 

* Purgatorio, épisode 2 : Pour maintenant et pour l’éternité, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.

 
Cinéma & Politique
 

* Le cinéma prolétarien allemand 1922-1932 (I) par Daniel Sauvaget.

 
Cinéma & Histoire
 

* The Lost King de Stephen Frears, par Jean- Michel Ropars.

 
DVD
 

* Glanures : De Stanley Kubrick à Mike De Leon, par Philippe Roger.

* L’Ombre de Goya, par Gisèle Breteau Skira.

 
Chercheurs & Curieux
 

* Sur le passage de Jacques Vaché à travers une très courte unité de temps, par Lucien Logette.

 
Actualités
 

* Le Cours de la vie, par Jean-Max Méjean.

* Hokusai, par Gisèle Breteau Skira.

* L’Homme debout, par Jean-Max Méjean.

* Stars et Noon, par Gisèle Breteau Skira.

* Nos cérémonies, par Sylvie L. Strobel.

* Monsieur Constant, par Jean-Max Méjean.

* Règle 34, par Nicole Gabriel.

* The Wild One, par Gisèle Breteau Skira.

* La Révole nature, par Jean-Max Méjean.

* Temps mort, par Gisèle Breteau Skira.

* Sublime, par Jean-Max Méjean.

* Showing Up, par Francis Guermann.

* Les Mauvaises fréquentations / Le Père Noël a les yeux bleus, par Hugo Dervisoglou.

 
Livres
 

* Michel Sportisse, Yannick Bellon, toute une tribu d’images par Lucien Logette.

* Jean-Baptiste Thoret, Peter Bodganovich, le cinéma comme élégie, par Francis Guermann.

* Lotte Eisner, J’avais jadis une belle patrie, par Gisèle Breteau Skira.

* Frédéric Topin, Claude de Givray. L’homme qui venait de la Nouvelle Vague, par Francis Guermann.

 
Humeurs
 

* Désordre et cinémathèques. Cent cinquante lumières, par Bernard Chardère.



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