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Homme debout (l’) (2022)
de Florence Vignon
publié le mercredi 17 mai 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°422, mai 2023

Sortie le mercredi 17 mai 2023


 


On a un peu peur que ce film soit avalé par l’avalanche des productions qui ne cessent d’envahir les écrans. Ce serait bien dommage, car il est rare de trouver dans le cinéma français une pépite (modeste) qui rend hommage aux travailleurs qui font "le pas de côté" cher au Gébé de L’An 01 (1972). En adaptant le roman de Thierry Beinstingel, Ils désertent (2012), Florence Vignon honore le Rimbaud de Charleville et son "homme aux semelles de vent". Le film, comme le livre, raconte l’histoire d’un voyageur de commerce qui se déplace sans cesse mais qui, surtout, tente de résister au mépris et à la casse que font subir aux travailleurs les managers d’un néolibéralisme stupide.

C’est une histoire toute simple que n’importe qui pourrait trouver sur son chemin professionnel, celle d’une oppression à double tranchant. Pour décrocher un CDI dans l’entreprise de papier peint qui vient de l’engager, Clémence Alpharo (Zita Hanrot), doit pousser Henri Giffard (Jacques Gamblin), VRP en fin de parcours, vers une retraite anticipée. Il faut rajeunir l’image de la petite boîte. Mais Giffard refuse. Son travail semble être la seule chose qui donne encore un sens à sa vie.


 


 


 

Coincée entre la perspective d’un avenir professionnel qui lui permettrait de fuir ses problèmes familiaux et l’affection inattendue qu’elle éprouve pour le VRP, Clémence va devoir choisir. On peut rendre grâce à l’auteur et à la réalisatrice d’avoir mis à jour les rouages de cette domination. Le livre est tiré d’une expérience vécue et le film lui reste si fidèle qu’il ressemble parfois à une sorte de documentaire sur le travail moderne et ses dérives.


 


 

Le film de Florence Vignon est son premier long métrage, après de nombreux scénarios écrits pour Stéphane Brizé - du Bleu des ville (1999) à Une vie (2017) -, Claude Mouriéras ou Filippo Meneghetti. Un seul bémol peut-être : on aurait aimé voir la fin du film un peu plus détaillée, notamment le passage de Clémence en Amérique latine, un peu trop rapide. Mais le travail de la réalisatrice se confronte vraiment au tragique de la condition humaine, avec ses diktats de réussite, tant dans le monde du travail que dans la structure familiale. De manière parfois loufoque, absurde même, L’Homme debout traite de ces rapports de force et de domination.


 


 

Thierry Beinstingel est satisfait de l’adaptation de son livre : "J’ai compris ce qu’adapter veut dire : non pas paraphraser et imiter, mais assembler et transcender. Écrire sur notre quotidien au travail est assurément complexe, mais le transposer au cinéma est un défi plus grand. Il s’agit de rendre bouleversant ce qui compose l’ordinaire de la vie".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°422, mai 2023


L’Homme debout. Réal, sc : Florence Vignon d’après le roman de Thierry Beinstingel ; ph : Aurélien Marra ; mont : Elif Uluengin ; mu : Côme Aguiar. Int : Zita Hanrot, Jacques Gamblin, Cédric Moreau, Thomas Chabrol. (France, 2022, 86 mn).



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