War Pony est un premier long-métrage réalisé en collaboration par Riley Keough & Gina Gamell. Le film met en lumière, en scène, ceux que nous ne voyons et n’entendons jamais : les Amérindiens. La grande majorité des acteurs du film sont des débutants au cinéma. Le récit suit les trajectoires parallèles de deux jeunes hommes, ces "poneys guerriers" du titre, issus de la tribu Oglala Lakota, et vivant dans la réserve amérindienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud.

Bill, 23 ans, cherche à joindre les deux bouts à tout prix, car il a deux enfants en bas âge. Matho, 12 ans, est quant à lui impatient de devenir un homme, comme son père vendeur de drogue. Entre la pauvreté, la drogue, le tabagisme, l’alcool, la malbouffe et l’oubli de la langue originelle, chacun va tenter de frayer sa voie dans cette vie là.

Inutile de rappeler que nous sommes en plein cœur de la plus grande puissance mondiale, les États-Unis, dans une réserve où vivent les descendants de la grande tribu des Oglala Lakota (Sioux), l’un des endroits les plus pauvres au monde… War Pony traite à la fois d’un peuple, de personnes et de lieux qui sont les grands oubliés, les laissés pour compte de l’histoire américaine.

Pour mieux signifier le caractère de mise à l’écart et en état de survie dans lesquelles la communauté est reléguée, les cinéastes multiplient des plans très serrés sur les protagonistes : la voiture de Bill, la décharge, la fumée et l’intérieur des habitations en alternant avec des échappées sur des grands espaces sublimes.

Toutefois, ces plans d’ensemble montrent souvent les terres de Tim, un entrepreneur blanc, soulignant la mainmise américaine sur l’espace naturel. L’incursion furtive mais déterminante d’hommes blancs dominateurs, condescendants et racistes met tragiquement en relief la différence de destins entre deux peuples.

La réserve, censée être le dernier domaine des Indiens, est totalement américanisée tant dans les habitudes vestimentaires, le mobilier, que dans la présence de la religion chrétienne et de la drogue. Cette américanisation résonne comme un désastre. Le capitalisme a fait son œuvre, il a atteint au cœur même de leur culture les foyers de ce peuple amérindien, avec comme symbole "dévoyé" la collection de figurines Fortnite que Matho vénère comme des statuettes ancestrales. Mais que reste-t-il de la sagesse ancestrale au milieu de cet immense désastre ?

Bill et Matho ont ceci en commun qu’ils voient encore le bison sacré, symbole pour les Lakotas, peuple libre et fier, du sacrifice de soi et de la générosité. Ainsi, l’esprit du grand Wakan Tanka continue de souffler, là-bas, dans les grandes plaines... Ce sont précisément ces deux êtres fragiles qui vont se retrouver, au sens propre comme au figuré, les porteurs du destin d’une culture non encore totalement éradiquée. Leurs actes respectifs appellent l’espoir en ce qui subsiste de la vie.

Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe

War Pony. Réal : Gina Gammell & Riley Keough ; ph : David Gallego ; sc : R.K., G.G., Bill Reddy & Franklin Sioux Bob ; mont : Afonso Gonçalves & Eduardo Serrano ; mu : Christopher Stracey & Mato Wayuhi ; déc : Scott Dougan & Terry Watson ; cost : Miyako Bellizzi. Int : Jojo Bapteise Whiting, LaDainian Crazy Thunder, Ashley Shelton, Robert Stover, Jesse Schmockel, Sprague Hollander, Wilma Colhoff, Iona Red Bear, Woodrow Lone Elk, Ta-Yammi Long Black Cat, Jeremy Corbin Cottier (USA-Grande-Bretagne, 2022, 115 mn).