Règle 34 est le troisième long métrage de la cinéaste brésilienne Júlia Murat. Son titre, énigmatique au premier abord, se réfère à une loi récente, apparue avec l’Internet, relative à l’usage de la pornographie par ce média. Le film commence comme une version féministe et numérique de Doctor Jekyll and Mister Hyde, récit allégorique de la dualité humaine maintes fois porté à l’écran.

Simone, une photogénique métisse (Sol Miranda) est une étudiante en droit qui souhaite se spécialiser dans la défense des femmes victimes de violences conjugales. Son image est celle d’une étudiante BCBG, au chignon bien tiré, qui participe à des débats juridiques avec ses collègues des deux sexes. Elle est discrète, préférant s’engager dans l’action en accompagnant les femmes battues et les aidant à porter plainte.

On découvre assez vite qu’elle est aussi une reine de la nuit, pouvant se montrer irrésistible de séduction et de drôlerie. Équipée d’une webcam, elle se filme et émoustille en tenue légère des abonnés d’un site de rencontres virtuelles qui, avec le temps, sont devenus des amis.

Elle se livre à des prestations érotiques, se caresse par exemple avec un vibromasseur, en contrepartie de jetons électroniques que les voyeurs sont encouragés à débourser et dont le montant s’affiche comme sur un flipper. Ce compte à rebours annonçant la fin de la récréation rythme visuellement et bruyamment l’exhibition de la jurisconsulte en herbe.

Cette offre de services est-elle pour autant de la prostitution ? La question n’est jamais posée dans un film traitant théoriquement de questions légales. En France, un arrêt de la Cour de cassation a refusé l’an dernier de ranger le webcaming dans la prostitution, au motif que celui-ci n’implique aucun contact physique entre les personnes s’y adonnant. Pour traduire visuellement l’acte d’amour par écrans interposés, Júlia Murat surimpose des images de toutes sortes, celles représentant sa protagoniste et celles d’effets numériques rappelant les animations des jeux vidéo et des montages de type TikTok.

Ce qui semble motiver la jeune étudiante, c’est moins l’appât du gain que l’excitation éprouvée par elle lors de ces séances spéciales, cérémonies nocturnes ou rituels clandestins gouvernés par la machine.

Tout pourrait ainsi aller pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à ce que notre délurée Simone ne découvre les délices d’une autre pratique, celle du… bondage.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Règle 34 (Rule 34). Réal, sc : Júlia Murat ; sc : Gabriel Bortolini, Gabriella Capello, Rafael Lessa, Roberto Winter ; ph : Leonardo Bittencourt ; mont : Beatriz Pomar ; mu : Maria Beraldo. Int : Sol Miranda, Lucas Andrade, Lorena Comparato, Isabela Mariotto (Brésil-France, 2022, 100 mn).