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Sorcière et le Martien (la) (2021)
de Thomas Bardinet
publié le mercredi 21 juin 2023

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sortie le mercredi 21 juin 2023


 


Une jeune orpheline et un jeune garçon venu de Mars vivent des aventures dans la forêt magique, menacée par des entrepreneurs, qui borde leur établissement scolaire, forêt dans laquelle une fée et un esprit recueillent les enfants en manque d’amour.


 


 

Le charme de La Sorcière et le Martien tient au fait que Thomas Bardinet a su tirer parti de l’aspect bricolé de son entreprise pour donner à son film candeur et innocence, l’une et l’autre obtenues par le recours à de jeunes acteurs novices, au jeu bien meilleur que celui des quelques adultes. En effet, l’œuvre émane de l’atelier cinéma qu’il anime depuis dix ans, et cet "amateurisme" permet, dans un même temps, de conférer un intéressant aspect documentaire à l’œuvre, qui se reflète, notamment, à travers l’allure physique des enfants, naturelle et éloignée des canons de beauté traditionnels.


 


 

Le manque de moyens n’empêche pas une certaine science du cadrage comme du montage et la collusion de l’un et l’autre permet, par jeu de hors-champ et de trucages sonores, de générer à peu de frais une atmosphère fantastique héritière de Georges Méliès.


 

Ainsi, bien qu’inégal, le film se laisse-t-il regarder avec intérêt : les personnages deviennent attachants à mesure que l’intrigue progresse et que chacun des enfants ou pré-adolescents se révèle complexe. Car s’ils sont souvent gentils, ils peuvent aussi se montrer durs et cruels. Chez certains, la naissance de pulsions adultes pondère l’ingénuité de l’ambiance, en ajoutant une dose de noirceur, et met en évidence avec subtilité une menace bien plus pesante que la déforestation : la fin de l’innocence enfantine.


 


 

La crédibilité des personnages tient aussi en ce que l’auteur a choisi de faire jouer ses jeunes acteurs non pas au naturel, mais de façon littéraire, en leur faisant articuler leur texte avec application. De sorte que cette artificialité sonne comme une forme d’effet spécial en soi, qui entre en osmose avec les divers trucages visuels.


 


 

D’inspiration miyazakienne, l’œuvre présente de beaux moments visuels oniriques, tandis que les thèmes de l’écologie, de l’abandon parental, du féminisme ou encore de la solitude d’enfants en passe de devenir adultes, confèrent sa profondeur à l’ensemble. Les quelques musiques jouées au piano accentuent l’aspect de conte moderne de cette œuvre, à laquelle la rigueur dans l’application des partis-pris confère une force indéniable. Ainsi, le spectateur qui tentera l’aventure pourra-t-il se faire happer sans trop de difficulté par une histoire proche de livres pour enfants type La Fée du robinet (1).

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. La Fée du robinet fait partie d’un recueil de 13 contes pour enfants : Les Contes de la rue Broca de Pierre Gripari, illustrations de Claude Lapointe, Paris, La Table Ronde, 1967.


La Sorcière et le Martien. Réal, sc, ph, mont, mu : Thomas Bardinet. Int : Yasmine Kherbouche, Kilian Mahamoud, Laura Delebarre (France, 2021, 77 mn).



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