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Vers un avenir radieux (2023)
de Nanni Moretti
publié le mercredi 28 juin 2023

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 28 juin 2023


 


Ironique et sérieux tout à a fois, le nouveau film de Nanni Moretti l’est dès son générique, qui voit une équipe d’activistes anonymes descendre en rappel sur un pont de Rome pour peindre en grosses lettres rouges "Il sol dell’avvenire". La première séquence se situe en 1956, lorsqu’une section locale du Parti communiste invite un cirque hongrois avec ses acrobates, clowns, ménagerie. Au moment donc où les chars russes entrent à Budapest (images d’archives à l’appui).


 


 

Serions-nous dans l’origine des désillusions par rapport aux certitudes concernant le modèle soviétique ? Questionnements que Nanni Moretti avait explorés en 1990 dans son documentaire d’une heure, La cosa, filmé au moment où le débat agitait les militants lorsqu’il s’agissait de décider d’abandonner l’appellation PCI. Le leurre dure un moment avant que nous découvrions qu’il s’agit d’un tournage de film. Film dans le film donc, à l’image d’une construction faite de circulations fascinantes dans le petit monde cinématographique et intime du cinéaste.


 

On y retrouve nombre de références autocentrées, de son goût pour le sport (natation, football), à son aversion pour les pantoufles et les mules. Sa balade nocturne en trottinette électrique en compagnie de son producteur français (impayable Mathieu Amalric) fait bien évidemment penser à ses errances en Vespa de Caro Diario (1993). Ce qui émerveille le plus, ce sont les nombreuses citations qui parsèment son film. Hommage aux frères Taviani et leur Saint Michel avait un coq (1971). À Jacques Demy et Lola (1961), dont il montre un extrait avec Anouk Aimée. Dans une autre séquence, il s’exerce à la comédie musicale.


 

La citation la plus remarquable survient sur le tournage d’une scène où un homme tient un autre agenouillé au bout de son pistolet. Nanni Moretti se met à discourir sur le choix éthique impliqué dans le tournage d’une telle scène et convoque Krzysztof Kieślowski dans Tu ne tueras point (1988) sur la difficulté physique de tuer quelqu’un. La présence dans le film de Jerzy Stuhr, acteur fétiche de ce dernier, est dès lors un choix très fort, dans un rôle comique surprenant. Dans la mème séquence, le cinéaste à l’idée géniale de téléhoner à Martin Scorsese pour lui demander conseil sur comment représenter la violence au cinéma. Personne ne répond, l’Américain est aux abonnés absents.


 

Difficile de recenser tout ce qui fait référence dans Vers un avenir radieux. Une chose ne manque pas d’attirer l’attention, c’est qu’il s’agit d’un film sous forte influence fellinienne. Non que Nanni Moretti cherche à imiter il maestro. Son monde à lui reste suffisamment inventif pour occuper tout l’espace. Une citation de La dolce vita (1960), une traversée en travelling des décors à Cinecittà, bien évidemment tout ce qui a trait à l’univers du cirque, jusqu’au cercle de la piste lorsque la troupe s’en est allée. Le finale fait inévitablement penser à 8 1/2 (1963). Il fait défiler sa troupe d’acteurs dans laquelle il invite quelques figures connues du cinéma italien, entre autres Alba Rochwacher et Jasmine Trinca. Il fait défiler tout ce monde au son d’une joyeuse fanfare dans laquelle figure un petit joueur de flûte. Fin en forme d’aubade adressée au spectateur, conclusion exhubérante d’un film qui nous laisse étourdi par tant d’invention. Nanni Moretti à son sommet.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°423, été 2023


Vers un avenir radieux (Il sol dell’avvenire). Réal, sc : Nanni Moretti ; sc : Francesca Marciano & Federica Pontemoli ; ph : Michele D’Attanasio ; mont : Clelio Benevento ; mu : Franco Piersanti. Int : Mathieu Amalric, Nanni Moretti, Margherita Buy, Silvio Orlando, Barbora Bobulova, Jerzy Stuhr (Italie, 2023, 96 mn).



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