Jeune Cinéma n°423 - été 2023
Édito & sommaire
publié le mercredi 5 juillet 2023

JEUNE CINÉMA n°423, été 2023


 

Couverture : Dave Turner, The Old Oak (Ken Loach, 2023).

Quatrième de couverture : Du théâtre au cinéma.

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ÉDITO JC n°423, été 2023

 

Il nous faut battre notre coulpe. Après avoir établi, dans le numéro 422, un bilan mitigé du cinéma français, auquel on reprochait de ne pas être suffisamment à l’écoute de son époque, et après avoir affirmé, à qui voulait nous entendre, que la Palme cannoise ne serait pas française, le verdict du jury a sérieusement ébranlé notre croyance en nos facultés prédictives. Les lauriers suprêmes et un prix de la mise en scène, il y a là de quoi nous rendre prudent dans nos futures mises en perspective. Il faudra bien une année pour nous en remettre.
Nonobstant, nous ne retirerons rien à nos remarques du mois dernier sur Anatomie d’une chute  : Justine Triet aurait allégé son film d’un petit quart d’heure qu’il n’aurait rien perdu, au contraire, de sa force et de son intérêt (1). Mais ne chipotons pas et agitons notre drapeau tricolore - en regrettant qu’aucun film italien n’ait trouvé grâce aux yeux des jurés, question de génération peut-être… Et félicitons la réalisatrice lauréate d’avoir dit, bien clairement, ce qui devait être dit, quitte à se faire reprocher par un troupeau de bien-pensants, spécialistes autoproclamés de l’économie du cinéma français, de mordre la main qui la nourrit - Gérard Camy y revient plus longuement dans sa présentation du festival.
Cannes, donc, qui demeure l’épicentre de tous les tourbillons de l’année et dont les retombées alimenteront l’actualité durant de longs mois - la preuve : la sortie récente de Stars at Noon de Claire Denis, Grand Prix 2022. Cannes, que nous annoncions mémorable - et là, nous n’avons pas erré. Cannes, qui constitue la majeure part de ce numéro, même si bien des titres remarquables ont échappé à la recension (mais la revue n’a jamais recherché l’exhaustivité), sur lesquels nous ne manquerons pas de revenir lorsqu’ils parviendront dans les salles (2).

Un numéro qui, comme d’habitude, persiste à ne pas se contenter de l’actualité, pas très folichonne, reconnaissons-le - ainsi, l’étonnant accueil offert à la récente version de la favorite de Louis XV nous a plutôt donné envie de revoir les incarnations précédentes de Jeanne du Barry, Pola Negri, chez Ernst Lubitsch (1919) et Dolores del Rio, chez William Dieterle en 1934, certainement moins richissimes, mais autrement plus intéressantes, comment le montrera notre numéro de septembre 2023.

Le cinéma ouvrier allemand des années 20 n’est pas à la mode, quelle meilleure raison pour y jeter un coup de projecteur ? Les dramaturges français des années 30 ont largement travaillé pour le cinéma, en lui fournissant des scénarios (on ignorait alors le formatage télévisuel) d’une inventivité dont on aimerait trouver l’équivalent dans la production contemporaine - qui s’en souvient ? Encore une fois, Jeune Cinéma randonne sur des sentiers peu fréquentés, sinon, à quoi bon ? L’essentiel est que ses lecteurs continuent de l’accompagner.

L’abondance de textes reçus nous a contraints à réserver pour le prochain numéro double ce qui ne pouvait figurer dans celui-ci, sauf à en déborder les limites (et pourtant nos pages ne sont pas encombrées par de la réclame). À venir donc les comptes rendus sur l’ouvrage Le Décor de film de Jean-Pierre Berthomé, sur le livre de Mario Molinari consacré à Robert Mulligan, à notre connaissance première étude sur cet auteur qui nous est proche ; à venir également le dernier volet de la trilogie Jean Grémillon due à Philippe Roger, et tant d’autres choses encore…

Parmi les auteurs qui nous sont - ou plutôt qui nous furent chers, puisqu’ils viennent de disparaître, il y a Francesco Maselli, réalisateur italien mal connu ici, mais que la revue, dès ses années héroïques, avait suivi, et sur lequel Jean A. Gili nous dit l’essentiel.
Et Jacques Rozier. Celui-ci aurait mérité un numéro entier, de son vivant. C’est dans cette intention que nous l’avions rencontré, en lui proposant un entretien détaillé autour de chacun de ses films, ainsi qu’une analyse d’ensemble, menée à plusieurs voix. Il nous avait promis de nous appeler, dès qu’il aurait terminé le nouveau montage de Fifi Martingale, présenté à Venise, et dont il n’était pas satisfait. C’était en novembre 2001, il n’a jamais terminé le montage et ne nous a, bien entendu, pas appelés. Quant à ses fanatiques, ils ont perdu l’espoir de découvrir un jour cet ultime surgeon d’une filmographie fantomatique (cinq titres en soixante ans). Metteur en scène, Rozier ? Plutôt créateur de chaos non-maîtrisés, fertiles en épiphanies : Adieu Philippine, à la fois le film le plus inscrit dans son temps et le plus intemporel de la Nouvelle Vague, n’est qu’une succession d’instants miraculeux, captés à la source - le travelling latéral qui suit, au rythme d’un tango, Liliane et Juliette dans les rues de Paris, est un des plus beaux de ces cent vingt-cinq dernières années et le regard caméra de Yvelyne Céry dansant un cha-cha-cha solitaire dans la nuit corse est inoubliable. N’aurait-il signé que ce seul film, qui, à l’égal de Muriel de Alain Resnais, peut être revu vingt fois sans épuiser ses merveilles, que Jacques Rozier aurait sa place parmi nos réalisateurs pairs, quelque part du côté de Jean Vigo, duquel il a tracé un beau portrait télévisé pour "Cinéastes de notre temps", en 1964.

Il Cinema Ritrovato va lancer dans quelques jours ses feux d’artifice dans le ciel de Bologne. Au programme, la déferlante habituelle de films inconnus ou à revoir : L’Éventail de lady Windermere de Ernst Lubitsch (1925), en copie neuve, sur l’écran gigantesque de la piazza Maggiore, justifierait à lui seul le voyage…

Lucien Logette
 

1. Ainsi, lors de la longue scène du huis clos lors du procès, nous persistons à nous étonner qu’un gamin de 11 ans puisse répéter verbatim des propos de son père datant de plusieurs mois.

2. Le Procès Goldman de Cédric Kahn, May December de Todd Haynes, Los colonos de Felipe Galvez, Déserts de Faouzi Bensaïdi, etc.



 

SOMMAIRE JC n°423, été 2023

 

Cannes
 

76e Festival international du Film de Cannes
Présentation, par Gérard Camy.

 
Cannes à Paris
 

* L’Amour et les forêts, par René Prédal.

* Asteroid City, par Gérard Camy.

* Les Filles d’Olfa, par Lucien Logette.

* Les Herbes sèches, par Sylvie L. Strobel.

* Omar la Fraise, par René Prédal.

* Vers un avenir radieux, par Bernard Nave.

* The Zone of Interest, par Sylvie L. Strobel.

 
Le Festival
 

* De Agra à Un hiver à Yanji, par Gisèle Breteau Skira, Gérard Camy, Hugo Dervisoglou, Nicole Gabriel, Lucien Logette, Jean-Max Méjean, Bernard Nave, Patrick Saffar, Sylvie L. Strobel.

 
Cinéma français
 

* Cher XVIIIe siècle, par Francis Guermann

 
Patrimoine
 

* Purgatorio, épisode 4 : Un crime contre l’innocence, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.

* Les films hongrois d’André De Toth, par Frédéric Gavelle.

 
Cinéma & politique
 

* Le cinéma prolétarien allemand (1922-1932) (II), par Daniel Sauvaget.

 
Cinéma & histoire
 

* Revoir Le Nom de la rose ?, par Jean-Michel Ropars.

 
DVD
 

* Glanure : De Hans Steinhoff à Alain Cavalier, par Philippe Roger.

* Paul Schrader : Light Sleeper, par Enrique Seknadje.

* Francesco Rosi : Salvatore Giuliano, par Enrique Seknadje.

 
Chercheurs & curieux
 

* Du théâtre au cinéma (I), par Claude Gauteur.

 
Actualités
 

* How to Save a Dead Friend, par Gisèle Breteau Skira.

* La Sorcière et le Martien, par Hugo Dervisoglou.

* Règle 34, par Nicole Gabriel.

* Pornomelancolia, par Jean-Max Méjean.

* Stars at Noon, par Gisèle Breteau Skira.

* Wahou !, par Jean-Max Méjean.

* Luise, par Nicole Gabriel.

 
Livres
 

* François Truffaut & Helen Scott, Mon petit Truffe… ma grande Scottie, par Lucien Logette.

* Albert Montagne, Les Alices au pays des cauchemars, par Jean-Max Méjean .

* Patrice Lajus, La Montagne sacrée, par Jean-Max Méjean.

* Éric Rondepierre, Exit, par Gisèle Breteau Skira.

 
Nécrologie
 

* Francesco Maselli (1930-2023), par Jean A. Gili.

 
Humeurs
 

* Hedy Lamarr, souvenir, par Bernard Chardère.



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