Pour son premier film, Gary Oldman réalise un tour de force. Si, dès la première scène - un pub, of course -, on se sent chez soi, la violence dans le traitement de cette descente au sein d’une famille très working-class est inhabituelle. Le portrait que le réalisateur trace de Ray - Ray Winstone est stupéfiant -, dont les débordements alcooliques et narcotiques, l’hyper violence au quotidien entraînent son entourage dans une folle spirale de désespoir, ne tombe jamais dans le sentimentalisme ou le sermon.

Au contraire, l’extrême lucidité de Gary Oldman accuse sans cesse les ambiguïtés des situations et parvient très subtilement à humaniser Ray, sans l’excuser non plus. Pourtant, cette volonté d’étouffement du spectateur par une caméra qui colle aux protagonistes et un assènement ultra répétitif de l’horreur au jour le jour - et même si c’est comme ça dans la "vraie" vie - lasse un peu.

De même, le cinéaste, qui revendique une "caméra invisible", qui est plus que visible pourtant, semble hésiter en permanence entre naturalisme à la Maurice Pialat et la surdramatisation stylisée à la John Cassavetes.

Au total, la sincérité et le dévouement entier au sujet de Gary Oldman, qui paraît savoir vraiment savoir ce dont il parle, et d’une très bonne troupe d’acteurs, très naturels jusque dans l’hystérie, emportent l’adhésion.

Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°247, décembre 1997-janvier 1998

Ne pas avaler (Nil by Mouth). Réal, sc : Gary Oldman ; ph : Ron Fortunato ; mont : Brad Fuller ; mu : Eric Clapton ; cost : Barbara Kidd . Int : Ray Winstone, Kathy Burke, Charlie Creed-Miles, Laila Morse, Jamie Foreman (Grande-Bretagne, 1997, 128 mn).